Le jeu de dupes
mentionné que la preuve de l'infidélité de la reine serait dans le cas contraire révélée au grand jour.
– Peut-on réellement apporter du crédit à ces allégations ? questionna Arnaud.
– En temps normal, je n'y aurais vu que de simples ragots, seulement il faut avouer que la tuerie de Mont Menat par un spadassin du cardinal laisse à penser le contraire.
– C'est complètement absurde, n'est-ce pas ? s'insurgea François.
– Malheureusement pas tant que cela, soupira Belfond.
– Ma cousine, Madame de Motteville, m'avait parlé de rumeurs malveillantes concernant la reine,confia Arnaud. Certains osent prétendre que Mazarin et elle sont amants, voire qu'ils ont contracté un mariage secret.
– Balivernes ! s'emporta François. Et même si cela était avéré, de là à affirmer que le cardinal serait le père de, de…
L'idée paraissait tellement énorme qu'il n'arrivait pas à la formuler.
– Vous avez raison, c'est une hypothèse aberrante, opina Belfond, d'autant que si ma mémoire est bonne le cardinal n'était pas à Paris à l'époque incriminée. D'ailleurs le maître chanteur le sait : ce n'est pas lui qu'il accuse du crime de lèse-majesté pourtant le contenu de cette lettre paraît crédibiliser le secret d'État supposé faire trembler Mazarin.
– Je n'y comprends rien. Éclairez-nous je vous prie, demanda François.
– Avant la naissance des enfants royaux la situation de notre suzeraine était des plus délicate. Mariée à un homme qui ne l'aimait pas, coupée des siens et tout particulièrement de son père le roi d'Espagne, affligée d'une belle-mère encombrante qui voulait rester la première Dame de la cour, incapable de mener à bien une grossesse, la pauvre reine paraissait à la merci d'une répudiation ou d'une annulation de son mariage pour stérilité, voire pire… Sa correspondance secrète avec sa famille l'avait mise à la portée de ses ennemis et positionnée sous le joug d'un Louis XIII implacable, furieux et déçu qu'elle ne lui donne pas l'héritier mâle tant désiré. La lettre que je tiens entre les mains accrédite la version selon laquelle Anne d'Autriche, convaincue que l'infécondité de soncouple s'imputait au roi seul, serait allée chercher ailleurs le loisir de mettre au monde un enfant.
– Comment cela serait-il possible à la cour où tout le monde épie tout le monde sans que cela ne se sache ?
– À vrai dire, répondit Arnaud, il y a eu une époque où cela a beaucoup fait jaser. Ma tante s'en était inquiétée car la position de la reine devenait périlleuse.
– Et quel est donc le fauteur présumé ? interrogea François, pressé d'y voir un peu plus clair.
– Le cardinal de Richelieu, rien de moins, dit Belfond.
Le gentilhomme, abasourdi, n'en revenait pas.
– Si je me souviens de nos conversations passées vous m'aviez pourtant affirmé qu'Anne d'Autriche avait été malmenée par Richelieu, voire persécutée…
– En effet, intervint Arnaud, mais à la cour il se murmurait que ces excès tentaient de dissimuler des sentiments complètement opposés. Au point que la mère du roi, Marie de Médicis, s'en était servie contre son rival pour l'anéantir. Une des propres créatures du cardinal, Madame de Fargis, qu'il avait placée auprès de la reine, avait accrédité cette version, lui donnant d'autant plus de poids.
– C'est ce dont il est question dans la lettre. On y dit détenir la preuve que Sa Majesté aurait accepté que Richelieu conçoive le dauphin qu'un Louis XIII souffreteux ne pouvait procréer. Le courrier est adressé à Mazarin et exige une somme astronomique s'il veut récupérer les documents compromettants en l'avertissant que c'est sa dernière chance d'éviter un scandale retentissant.
– Le cardinal aurait donc envoyé un de ses mercenaires pour enlever Violette à cause de ce chantage ? fit François, perplexe.
– C'est possible, rétorqua Arnaud, songeur. Depuis que je travaille sous ses ordres j'ai découvert un personnage d'une remarquable intelligence, guère enclin à faire couler le sang, toutefois capable de réagir fermement devant la menace. Je pense qu'il est fort probable qu'il ait envoyé le Crochu pour ramener manu militari Violette à Paris afin de récupérer ces précieux papiers, après il se serait certainement contenté de la faire enfermer dans un lointain couvent. Il ne pouvait se douter à quel point les choses allaient mal tourner… Et puis le contexte
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