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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
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avait déjà préparé son baluchon au cas où ce dernier se montrerait plus raisonnable et l'inclurait dans l'aventure.
    François fut touché par le petit visage crispé et fatigué de son aînée qui n'avait pu fermer l'œil de la nuit et par la demande muette de son valet, pourtant c'était décidé, il partait seul. Cela lui paraissait plus discret et surtout il ne voulait pas priver son père d'un serviteur zélé qu'il appréciait particulièrement.
    – Louise, ne te préoccupe pas tant, ce ne sera l'affaire que d'une semaine et, avec de la chance, je pourrai enfin faire libérer Nolwenn. Tu sais que c'est primordial pour moi. S'il ne reste qu'un infime espoir, je me dois d'essayer. Gervais sera plus utile à tes côtés, et à ceux de Père, murmura-t-il pour conclure.
    Louise ne pouvait qu'approuver. François remercia son serviteur pour son dévouement et c'est un Gervais fort ému qui reprit son poste derrière la chaise roulante d'Henri. Seul Arnaud soutenait inconditionnellement le départ de son beau-frère, persuadé qu'il agissait au mieux pour la Couronne et qu'il fallait tout tenter pour sauver Nolwenn en évitant l'inaction qui désespérait François et risquait de le plonger dans une léthargie mortifère comme celle où il s'était retrouvé à la mort de Sylvaine, son précédent amour.
    – Je te souhaite bonne chance, lâcha-t-il après une virile accolade.
    Puis ce fut à Malo de s'avancer. L'adolescent aurait adoré accompagner François mais il exprima ses adieux avec retenue, décidé au fond de lui à être en mesure de réserver à son cousin une belle surprise à son retour. François s'était un peu étonné de son comportement énigmatique des derniers jours et avait d'ailleurs demandé à Arnaud de garder un œil sur son cousin craignant ses initiatives hasardeuses de jeune va-t-en-guerre.
    Enfin les embrassades sont terminées. Monté sur son alezan, le gentilhomme se retourne une dernière fois pour un ultime salut et franchit les grilles de la demeure familiale avant de plonger dans l'effervescence des artères de la capitale. Habillé de vêtements sombres et ordinaires, il se fond dans la masse, n'ayant emporté que le strict nécessaire dans sa vieille sacoche en cuir tanné, la lettre de la reine étant dissimulée dans la ceinture en tissu qui enserre sa taille, créée spécialement par les mains habiles de Louise pour l'occasion.
    À peine les portes de la ville franchies, il mène son cheval à vive allure, pressé du tête à tête qu'il imagine et rejoue chaque nuit. Si le cardinal est le commanditaire de toute l'affaire, il fera en sorte que le prélat comprenne qu'il n'est plus menacé et que la vie reprenne son cours paisible en compagnie de Nolwenn. Mazarin, il le sait, est un homme intelligent, il l'écoutera.
    Peut-être serait-il sensiblement moins confiant s'il assistait à la pénible scène qui se déroulait au même instant à Brühl, à près de cinq cents kilomètres de là. L'exilé, fou de rage, venait de repousser brutalementle service doré à l'or fin contenant son déjeuner, propulsant violemment une assiette hors de la table artistiquement dressée, qui alla s'écraser avec fracas aux pieds de Giuseppe Zongo Ondedei. Fidèle parmi les fidèles, à la fois confident et agent secret, ce dernier était de retour de France où il avait transmis un message à la reine, mettant huit jours au lieu des trois habituels à faire le trajet afin de semer ses poursuivants déterminés à empêcher cette correspondance secrète. Il s'apprêtait à regagner l'Italie, leur patrie natale, fort chagriné de laisser son compatriote et ami en plein désarroi, détresse d'autant plus forte qu'il n'avait pas, comme l'espérait son maître, de réponse à lui remettre.
    – Rendez-vous compte, Giuseppe, elle a rappelé Madame de Beauvais, cette intrigante que j'avais chassée de la cour ad vitam aeternam et j'apprends, oui, entendez-vous, j'apprends qu'elle se prépare à disposer de mes appartements au palais pour y loger ceux que j'ai mis autour d'elle comme de Lionne !
    L'indignation de Mazarin ne connaissait plus de bornes. Moustache tremblante, incapable de se maîtriser, il se laissait envahir par son sentiment d'injustice et d'impuissance accru par ses insomnies répétées engendrées par la goutte, cette maudite maladie qui l'invalidait de plus en plus, l'obligeant à porter des pantoufles pour chausser ses pieds horriblement déformés. La souffrance, le

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