Le jeu de dupes
chaque match de soule pour le soutenir, prête à subir les foudres paternelles pour le simple plaisir de danser une gigue. Elle lui manquait tant, celle qui avait su pardonner leur séparation forcée avant d'accepter de devenir sa femme et de renoncer à leur Bretagne adorée, à la mer et aux magnifiques côtes du pays Léon trop dangereuses pour la nouvelle identité de François afin de transformer Mont Menat, terres froides et reculées d'Auvergne, en un lieu où il faisait bon vivre.
Imposant à sa monture un train soutenu, il dépassa Aix-la-Chapelle pour prendre le chemin de Cologne. La demeure de campagne du grand électeur se dressa devant lui au soleil couchant. François décida de dormir avant de se confronter au cardinal.
Aux premières lueurs du matin il se fait annoncer. L'accueil est un peu froid devant son accoutrement toutefois, à la nouvelle d'un courrier de Paris, les domestiques, connaissant leur maître, se hâtent de le prévenir. Ils ont raison : à peine averti, Mazarin enfile rapidement une robe de chambre et sans plus de façon descend à l'office, impatient de savoir de quoi il retourne.
Apercevant François de Rohan Montauban, il s'étonne légèrement mais qu'importe, il veut séance tenante lire la lettre de la reine. François laprend dans sa ceinture et la lui tend, essayant de dissimuler sa surprise devant la mine épouvantable du ministre qui a perdu toute sa superbe passée. Le cardinal s'en empare sans fausse honte ordonnant qu'on serve un généreux petit déjeuner à son messager ; et François, pour la première fois depuis des jours, déguste un vrai repas, en silence, observant son interlocuteur qui, graduellement, semble reprendre des couleurs avant de se mettre également à dévorer les mets délicats posés sur la table, lisant et relisant les mots tracés à la plume par sa reine.
– Je lui manque, je lui manque ! s'écrie-t-il tout enjoué devant un François un brin abasourdi, habitué à beaucoup plus de retenue et de sang-froid chez le prélat. J'ai été injuste envers elle, je vais m'en excuser… Il me faut réfléchir et peser chaque mot employé. Je dois envoyer des consignes précises.
Puis prenant conscience de la présence de son invité :
– Brossez-moi un tableau des derniers événements parisiens je vous prie.
François s'exécute délivrant les informations importantes données par Arnaud.
– Sa Majesté s'emploie à se rapprocher de Condé et lui a accordé le gouvernement de Guyenne, laissant celui de Bourgogne en échange au duc d'Épernon. Elle a aussi modifié les rôles au sein de son conseil ce lundi saint, faisant la part belle aux partisans du prince.
– Parfait, parfait, il redeviendra un allié sur lequel on peut compter.
François ne le détrompa pas, pensant néanmoins que les appétits de Condé ne se limiteraient certainement pas à ce que l'on venait de lui consentir.
– Et les Grands, comment ont-ils réagi à ces changements ?
– Fort mal, Votre Éminence. Le duc d'Orléans était furieux qu'on ne l'ait pas consulté tout comme le coadjuteur qui fit beaucoup de menaces mais rien de concret. Madame de Chevreuse, commença François qui dut se reprendre tellement le nom de celle qui avait perpétré tant de vilenies à l'encontre de sa famille lui était insupportable, a très mal accepté que le prince annule le mariage de son frère Conti avec sa fille et l'affront ainsi fait aux yeux de tous à sa maison. Sa haine la transforme dorénavant en alliée précieuse de Sa Majesté. De cette manière, la fracture entre les condéens et les frondeurs est consommée comme vous le souhaitiez.
– Excellent ! Repartez immédiatement à Paris sans faire trop de détours, assurez la reine de mon profond attachement et félicitez-la de ma part.
Mazarin se mit à écrire quelques lignes sur un parchemin et le tendit au gentilhomme.
– Remettez-lui ceci et informez-la que j'enverrai un courrier détaillé très prochainement. Je sens que je ne vais pas moisir ici trop longtemps.
L'exilé ne pouvait s'empêcher de se frotter les mains de contentement devant de si bons augures. Son esprit enfiévré anticipait déjà son retour dans la capitale.
François ne partageait pas son enthousiasme, persuadé que Mazarin prenait ses rêves pour la réalité. À l'instar d'Arnaud, il était convaincu que la préoccupation primordiale d'Anne d'Autriche étaitl'avènement de la majorité de Louis et non la réapparition de son
Weitere Kostenlose Bücher