Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
Vom Netzwerk:
joueurs. Lui revint alors en mémoire le nom qu'avait donné Violette au coffret contenant les lettres : son jeu de dupes. Eh bien il ne se laisserait plus manipuler comme il venait de l'être. SiViolette avait tant tenu à dissimuler cette maudite boîte c'est qu'elle contenait des réponses. Belfond avait certainement eu le temps de finir son travail de décodage, son ennemi invisible devait y apparaître, il allait le forcer à se démasquer.

9
    Fin avril 1651
    Belfond fronça les sourcils en découvrant le jeune Malo beaucoup plus occupé à scruter l'agitation extérieure par la fenêtre de la salle d'études du lycée qu'à terminer sa version grecque du discours d'Eschine contre Ctésiphon. Manifestement, l'adolescent n'avait que faire de cette perle vieille de deux mille ans née de la colère du grand orateur contre son compatriote athénien qui avait osé vouloir accorder une couronne d'or à Démosthène, son rival exécré. Cela ne surprenait guère le professeur toujours contrit de constater que cette génération d'élèves se montrait peu encline à honorer par ses efforts les sages de l'antiquité avec leurs performances en grec, prouesses ne pouvant évidemment pas égaler celles de son époque…
    Le brave homme appréciait toutefois le garçon et admettait que ses talents en mathématiques et aux armes primaient inévitablement sur la matière qu'il enseignait avec passion car, malgré toute l'énergie déployée, on ne le transformerait jamais en distingué helléniste. C'était à vrai dire déjà miraculeux que l'adolescent ait pu intégrer l'établissement après seulement un an d'enseignement intensif etde remise à niveau. On se devait de reconnaître qu'il avait travaillé d'arrache-pied soucieux de faire honneur à son cousin, très désireux de saisir la chance offerte de devenir officier. Malheureusement, malgré de réelles dispositions, son retard en grec était irrattrapable. Tout en lissant ses bacchantes grisonnantes, Belfond s'interrogeait : l'étude qu'il dirigeait étant optionnelle, il ne comprenait pas pour quelle raison Malo s'y inscrivait avec assiduité vu son attrait modéré pour cette matière. Il observait donc ce dernier avec attention, à la dérobée, désireux de percer à jour son petit manège. Le lycéen attendait manifestement un signal donné depuis la rue dans l'unique salle de classe donnant sur cette artère de la capitale. Discrètement, tout en faisant mine de bourrer sa pipe, Belfond s'approcha des baies vitrées. C'est alors qu'il la vit, statique au milieu de la foule, jolie créature enveloppée dans une cape bleutée qui n'avait rien d'une demoiselle, faisant un léger signe de la main en direction de la fenêtre. Indigné, le professeur se retourna, s'apprêtant à tancer vertement l'effronté qui osait ainsi troubler la quiétude de sa salle de classe pour se livrer à cet échange interdit, lorsqu'il repéra que la place de Malo était vide. Se précipitant dans le couloir il perçut le bruit d'une cavalcade dans le grand escalier et réalisa qu'il serait impossible de rejoindre le galopin. Vivement, il fit demi-tour et retourna à la fenêtre, ayant tout juste le temps d'apercevoir son élève rejoindre sa complice avant qu'ils ne disparaissent au coin de la rue. Belfond afficha un calme olympien en ordonnant aux lycéens de reprendre leur travail tout en indiquant qu'un tel comportement était intolérable et qu'ilvaudrait à son auteur un châtiment exemplaire. Tous les élèves frémirent, chacun se demandant ce qui avait pu traverser la tête de leur camarade pour qu'il commette pareille vilenie, et aucun ne remarqua le tremblement nerveux qui empêchait le professeur de continuer à lisser ses moustaches avec détachement. L'eurent-ils fait qu'ils auraient cru à la manifestation d'une colère somme toute légitime là où il n'y avait en vérité qu'appréhension et alarme à l'idée des dangers qui guettaient Malo dans les ruelles parisiennes. Belfond avait promis de veiller sur le protégé de François de Rohan Montauban et il se tassait sur sa chaise, anéanti d'avoir failli à son engagement, se le reprochant amèrement. Mon Dieu, mon Dieu, se disait-il, comment annoncer la nouvelle à la baronne de Saldagne, la fragile Louise, elle qui s'était prise d'une véritable affection pour le garçon, heureuse de le compter parmi les familiers de l'hôtel Bessières, et qui se fiait à lui pour prendre soin de l'adolescent en l'absence de

Weitere Kostenlose Bücher