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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
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secouer vigoureusement sans s'en apercevoir.
    – Tu as retrouvé la trace de ce gueux ?
    – Mieux que ça, mon amoureux : je sais où il est en ce moment même.
    – Où cela, dis-le-moi, pour l'amour de Dieu !
    Lénora remit correctement sa cape sur ses épaules avec un geste plein de grâce faisant comprendre à Malo qu'elle n'appréciait guère d'être ainsi malmenée, ravie au fond de le voir suspendu à ses lèvres. Elle lâcha enfin :
    – Il est rue aux Ours à la taverne du Pendu. Je l'ai retrouvé grâce à sa sœur qui est maquerelle dans le quartier des Halles et rebouteuse de renom. Il est venu dernièrement lui demander de l'aide pour soigner quelqu'un, une femme apparemment…
    – Nolwenn, s'exclama Malo tout excité. Tu connais le lieu où on la cache ?
    – Pas encore. La sorcière l'a suivi et ils sont partis à cheval, je n'ai rien pu faire. Hier je l'ai retrouvée guettant l'arrivée de chair fraîche près des remparts où elle a ses habitudes. Les innocentes qu'elle attire se retrouvent vite à tapiner aux Halles… Là je ne l'ai plus quittée et hier soir le frérot a fait son apparition. Il a dormi chez elle puis s'est rendu à cette gargote qui lui sert de repaire lorsqu'il est en ville. D'après ce que m'a confié une servante, et crois-moi cela m'a coûté la peau des fesses pour faire taire sa frousse à l'idée de me faire ses révélations, il s'y rend tous les quinze jours pour s'entretenir avec un homme qui vient de nuit et s'arrange pour dissimuler son visage. Je suis vite venue au rendez-vous pour te prévenir et j'ai envoyé Enzo le surveiller avec Fifi, son copain manchot.
    – Dépêchons-nous de les rejoindre, conclut Malo qui n'aimait pas l'idée de laisser seuls deux gosses face à un individu aussi dangereux.
    Le soleil commençait à disparaître à l'horizon et il leur fallait se hâter. Près de la taverne du Pendupourvue d'une clientèle particulièrement avinée et glauque, les deux tourtereaux firent semblant d'être en affaires amoureuses contre espèces sonnantes et trébuchantes. Lénora jouait parfaitement son rôle de fille de joie occupée à faire boire son chaland et à le convaincre de vider sa bourse en sa faveur. Seul Malo sentait l'effroi de la bohémienne monter à mesure qu'une évidence s'imposait : nulle part il n'y avait trace du Crochu, même pas dans l'arrière-salle réservée aux initiés, pas plus que de Enzo. Oubliant toute prudence, sa compagne repoussa le garçon qui voulait la retenir et se rua sur la servante déjà rétribuée pour ses informations. S'emparant de son bras en la griffant, Lénora siffla entre ses dents, le regard mauvais :
    – Où sont-ils ?
    La fille de salle prit peur.
    – Ils sont partis. Le Crochu, il s'est fait remonter les bretelles par le richard dont je t'ai parlé. Il l'a saisi au collet et ils sont sortis.
    Lénora la laissa se dégager. Dans la salle, leur manège n'était pas passé inaperçu. Malo intervint alors d'une voix forte :
    – Bon, tu prends soin de moi ma belle ou tu discutes avec ta camarade.
    – Tu veux peut-être qu'on s'occupe de toi toutes les deux, renchérit sa complice, ce qui provoqua le rire gras de l'assemblée qui retourna à ses chopines.
    Malo dut la soutenir pour sortir de l'établissement car pour la première fois elle semblait avoir perdu toute sa superbe.
    – Enzo est en danger, je le sens.
    Lénora connaissait la réputation du Crochu. Il était risqué de se mêler de ses affaires et l'absence des deux gamins qu'elle avait laissés en surveillance ne lui disait rien qui vaille. Où diable étaient-ils donc passés ? La vie avait considérablement endurci la bohémienne qui conservait un talon d'Achille : son petit frère, son unique point faible, le seul être qui préservait en son âme une part d'innocence, de douceur et qui la retenait de basculer à jamais dans la fange des rues. Son masque d'insolente assurance vola en éclats révélant une gosse apeurée à la détresse poignante. Malo prit conscience que Lénora avait mis en danger ce qu'elle avait de plus précieux pour venir à son aide et l'angoisse l'étreignit avec force. Il regretta subitement de ne pas avoir écouté François qui lui avait enjoint de se consacrer à ses études et de se contenter de prier pour le salut de son épouse. Avec effroi, il comprit qu'il avait été naïf de croire être en mesure de retrouver seul la piste de Nolwenn et surtout présomptueux de vouloir se mesurer au

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