Le jeu de dupes

de vengeance à l'encontre de Condé pour lequel il ressentait une haine farouche dont le prince aurait déjà fait les frais si Arnaud, mandaté par la reine, ne lui avait interdit d'agir, la régente se réservant le droit de décider du sort à réserver à l'illustre personnage. François assistait à la lente désagrégation de son couple, totalement impuissant à en changer le cours, supportant de plus en plus mal les rebuffades de sa compagne.
    – Dans ce cas, agis, fais l'effort d'aller vers elle en t'armant de patience car c'est ton épouse qui a le plus souffert dans cette histoire, l'exhorta Arnaud, affligé de constater leur entêtement. Vous êtes tous deux dotés de la même fieffée caboche de Breton, aussi têtus l'un que l'autre, s'exclama-t-il devant l'air renfrogné de François. Allez, lance-toi !
    Et il planta là son interlocuteur, s'empressant de rejoindre Louise, la forçant à accélérer pour distancer Nolwenn. Cette dernière, surprise, s'étaitarrêtée, indécise. François la rattrapa et prit d'autorité son bras.
    – Nolwenn, je ne supporte plus votre bouderie. Laissez-moi une chance de vous faire oublier nos problèmes. Que dois-je faire ?
    – Vous pourriez peut-être commencer par vous intéresser à notre futur enfant, répondit sa femme d'un ton cinglant.
    François la regarda et eut l'impression d'avoir une étrangère en face de lui. Sans s'en rendre compte, il se mit à utiliser le tutoiement de leur enfance.
    – Que veux-tu dire ? J'attends qu'il naisse tout simplement.
    – Tu ne m'as pas répondu lorsque je t'ai parlé du choix des prénoms !
    – Nous avons de longs mois devant nous…
    – C'est bien là le problème, tu considères que nous avons le temps, que cela peut attendre et je dois me plier à ton bon vouloir ! Ce bébé est au centre de toutes mes préoccupations et toi tu me parles de tout sauf de lui… La seule chose qui paraît vraiment importante à tes yeux c'est de prendre ta revanche sur Condé ! Comme si cela devait changer ou réparer quoi que ce soit…
    François jeta un coup d'œil à la ronde pour vérifier qu'ils n'étaient pas à portée de voix d'oreilles indiscrètes avant de répondre :
    – Cet homme ne mérite-t-il pas d'être châtié pour tout ce qu'il t'a obligée à endurer ?
    – Ce que j'ai enduré, tu viens de le dire, or moi je ne souhaite pas me venger, je veux juste extirper ces horribles souvenirs de ma mémoire.
    De fait Nolwenn s'était très peu confiée sur ses conditions de détention. Elle n'avait eu que descontacts sporadiques avec ses geôliers. Le Crochu venait rarement vérifier la manière dont se portait sa captive sauf un soir où, inquiet de la toux qui la tenaillait, il était revenu avec une complice qui avait confectionné un cataplasme et lui avait prodigué quelques soins avant de s'éclipser. L'unique information qu'elle ait pu donner était une conversation qu'elle avait surprise un jour qu'on l'avait déplacée et où Crochu, la croyant sans connaissance, avait ordonné à ses hommes qu'on la nourrisse mieux « s'ils ne voulaient pas faire les frais de la colère de Monsieur le Prince ». Pour François, cela confirmait la culpabilité de Condé qu'il soupçonnait d'avoir voulu récupérer les lettres concernant sa sœur Anne Geneviève afin de la protéger de ses agissements coupables tout en s'emparant des écrits incriminant Gondi et Mazarin, ce qui lui aurait donné barre sur ses pires ennemis. L'existence d'une courtisane comme Violette de Goyon ne pesait pas lourd pour un tel personnage et François était persuadé que Nolwenn ne devait la vie sauve qu'à l'enfant qu'elle portait et à l'incroyable morgue du vainqueur de Rocroi qui considérait certainement être dispensé de rendre des comptes de ses agissements. Quand il avait compris qu'il ne détenait pas la bonne personne, une femme enceinte de surcroît, il avait vraisemblablement hésité plusieurs semaines avant de la faire relâcher, convaincu que nul n'oserait demander justification de cet enlèvement puisqu'il y avait eu libération. Le cynisme et le dédain du prince pour ceux qu'il brisait sur son passage ulcéraient François qui, depuis lors, ne rêvait que de le provoquer en duel et l'aurait déjàentrepris sans l'intervention d'Arnaud qui le lui interdisait au nom de la reine.
    – Nolwenn, on ne peut prétendre qu'il ne se soit rien passé, s'emporta François.
    Puis s'adoucissant :
    – Songe à l'assassinat de Violette,