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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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l’installation des troupes romaines
dans leurs quartiers d’hiver ne fut pas bien gérée par Saturninus. Nous avons
manifestement affaire à un incompétent de plus, comme il y en avait sans doute
un peu trop parmi les officiers supérieurs et les bureaucrates de l’empire d’Orient.
Certains régiments avaient été dirigés vers une ville appelée Dibaltum, au bord
de la mer Noire, un bon endroit pour passer l’hiver ; mais ils campaient
encore à l’extérieur quand les barbares les attaquèrent à l’improviste. C’étaient
des régiments d’élite, parmi les meilleurs de l’infanterie impériale. L’un d’eux
était célèbre : celui des Cornuti , ainsi appelés parce qu’ils portaient
des casques surmontés de cornes ; ce régiment était réputé depuis l’époque
de Constantin, et il s’était distingué à la bataille du pont Milvius (un
bas-relief mettant en scène un de ces soldats, avec ses cornes, est encore
visible aujourd’hui sur l’arc de Constantin, à Rome). Il yavait
également l’un des régiments de cavalerie lourde de la garde impériale, les Scutarii, dont le commandant dirigeait la colonne : le tribun Barzimérès – probablement
un Arménien ou un Persan, à en juger par son nom. Donc, Barzimérès fut attaqué
par surprise ; personne ne l’avait averti que l’ennemi était si proche, et
le tribun eut à peine le temps de disposer ses hommes en ordre de bataille. Il
réussit à résister longtemps, mais les ennemis étaient beaucoup plus nombreux, et
ils finirent par l’emporter.

4.
    Ce n’est peut-être pas un hasard si la colonne de Barzimérès
fut surprise à découvert et anéantie par les Goths. Car il est clair, en
réalité, que leurs chefs n’étaient absolument pas des barbares ; c’étaient
des princes habitués depuis toujours à négocier avec les Romains, parlant
probablement le latin et le grec, parfois chrétiens, et ils avaient une idée
assez précise de ce qu’ils voulaient, ainsi que des stratégies à mettre en
œuvre pour l’obtenir. Ils avaient conscience de s’être mis, eux et leur peuple,
dans une situation absurde, riche de possibilités séduisantes, mais aussi
mortellement dangereuse ; et ils agissaient avec discernement, attentifs à
ne pas faire de faux pas, et prompts à exploiter toutes les occasions. Ils se
rendaient très bien compte que les Romains, après avoir quitté les cols des
Balkans, avaient reflué vers la plaine dans un relatif désordre, et qu’ils n’avaient
plus la moindre intention de livrer bataille ; ils savaient que, pendant
la période hivernale, le système romain prévoyait de répartir les troupes, en
petits détachements, dans les villes, et ils n’avaient pas non plus eu de mal à
comprendre que les généraux qu’ils avaient en face d’eux n’étaient pas des
foudres de guerre, mais des fonctionnaires qui s’en tiendraient au règlement.
    C’est pourquoi les chefs goths décidèrent que, tant que l’automne
durerait, avant que l’hiver rende impossible tout déplacement rapide avec un
grand nombre de chevaux, il ne fallait pas se contenter de razzier le pays et d’amasser
du butin, mais qu’il fallait aussi essayer de surprendre les détachements
romains isolés et les détruire séparément. Les choses, pour les Goths, se
présentaient bien : ils étaient sortis des défilés balkaniques en piteux
état, mais ils s’étaient remis sur pied grâce aux pillages ; les guerriers
bénéficiaient, nous dit Ammien Marcellin, d’« une nourriture soignée »,
qu’ils trouvaient dans les cuisines et dans les caves des riches villas de
campagne. Qui plus est, ils avaient beaucoup de chevaux, maintenant que les
Huns et les Alains s’étaient unis à eux ; et, après tous les combats qu’ils
avaient livrés, chaque guerrier possédait certainement une cotte de mailles, un
casque et une épée, pris à un Romain mort. Les barbares étaient en train de
gagner la guerre, et ils avaient la ferme intention de profiter de leur
avantage.
    Un espion, ou un déserteur, avertit les chefs que certains
régiments d’Occident, ceux que Gratien avait envoyés pour soutenir son oncle, campaient
au pied des Balkans, près de la ville de Béroé. Ces régiments étaient en Thrace
depuis déjà plusieurs mois, ils avaient survécu à la bataille des Saules, et
leur commandant, Frigéridus, ne jouissait pas d’une excellente réputation. Lui
aussi, comme le montre clairement son nom, était un fils

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