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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Montfort à Charles de Blois, quand bien même ce dernier fût français jusqu’au bout des ongles, qu’il avait noirs, disait-on, car plus il était sale, plus il pensait que Dieu l’en congratulerait !
    — Au cas où tu te raviserais, cousine, à propos de ton père… ou de mon oncle – comme tu voudras –, tu me trouveras tout près de l’étal des plumassières, sur le chemin qui va…
    — Je sais où elles sont : je suis passée devant.
    Il semblait qu’ils se fussent tout dit. Ogier s’éloignait, maussade, quand Tancrède l’appela. Il se laissa rejoindre.
    — Je loge au château et Dartford en son pavillon, dit-elle avec une précipitation légère, dont il n’avait point souvenance.
    De plus, elle avait tu le prénom de Lionel , volontairement.
    — Je sais, cousine. J’ai vu sa bannière. Mon ami Aster me l’a montrée.
    — Si une idée me vient, je te la dirai… S’il m’est possible de vous aider, une fois que Guillaume sera libre, je te le ferai savoir moi-même.
    Quelque chose de clair humectait son regard. Soudain, elle se serra contre lui avec une force brève, éperdue ; une sorte de passion. Il sentit sur sa bouche un baiser furieux, pareil à celui d’un adieu ultime. Toute proche, Odile cria.
    Suffoqué d’émotion, les lèvres brûlantes et le cœur tourneboulé, Ogier se retrouva seul parmi des inconnus dont les processions se croisaient. Il les voyait sans les voir ; il écoutait leurs voix sans les entendre. Un carillon furieux le fit tressaillir : la campane de la chapelle sonnait à herle [171] . Tout, à l’entour du château, parut envahi, secoué par le frémissement du bronze. La plupart des passants s’étaient arrêtés, saisis, enveloppés, assourdis par ces frappements lugubres.
    « On dirait un glas », songea-t-il.
    Et, sans plus de prudence, il se mit à courir.

VIII
    — Je ne l’ai pas quittée, dit Shirton à voix basse.
    Il était assis à même le sol ; il se leva. La tente des plumassières, emplie du souffle de Griselda, était aussi sombre qu’une alcôve et le visage de la petite n’en paraissait que plus pâle. « Une blancheur d’hostie », songea Ogier tandis que Shirton murmurait :
    — Je me suis tourmenté. Où étais-tu ?
    — Au château.
    — Tu es fou !
    — Cette folie ne fut pas vaine : j’y ai rencontré Tancrède et damoiselle Odile.
    — Ensemble ?
    — Eh oui ! Nous avons parolé… J’ai même pu, un long moment, m’entretenir seul avec ma cousine. Je crois qu’elle nous aidera. Elle sait où me trouver.
    Puis, se courbant un peu :
    — Comment est-elle ? Quel miracle a commis ce mire à visage de sorcier ? Aucun, j’en ai peur.
    Ogier s’agenouilla auprès de Griselda. « Comme morte », se dit-il sans plus sentir s’élever en lui cette rancune envers Dieu, pourtant obstiné à multiplier ses angoisses. Toute sa ferveur, tout son chagrin lui enjoignait d’observer sans trêve ces lèvres pâles qui ce jour d’hui sans doute, vendredi 23 novembre 1347, cesseraient de rire, de grimacer, de proférer des jurons et des jengles [172] .
    — Je donnerais mon sang pour la sauver, Jack, si ce prodige était possible. Je ne la quitte plus. Tu peux sortir… En m’attardant j’ai abusé de ta bonté.
    — Ce mire ne pouvait rien. Il m’a dit que ces morsures-là valaient celles des aspics et que même un Alexis Pharmaque – qui doit être le plus entalenté des gens de son espèce – n’y pourrait rien [173] .
    Ogier se pencha sur la malade dont les cils parurent remuer, mais la cause en était son souffle. Les paupières demeurèrent closes.
    — Je sors, dit Shirton. Je ne m’éloigne pas… As-tu faim ?
    — Nullement.
    — Moi non plus… Nous resterons ici le temps qu’il faudra… Toute la foule assistera aux jeux.
    — Jeux du cirque de Rome… Édouard est un second Néron !… Demain, Jack, c’est l’épreuve d’archerie. Je n’irai pas. Mais toi ?
    — Je pense que demain, si Calveley n’est pas arrivé, il nous faudra guerpir avec ou sans ton oncle. J’ai grand-peur que nous ne perdions notre temps et parfois, j’ai peur tout court.
    Sur cette révélation, Shirton quitta la tente. Ogier l’entendit échanger quelques mots avec les plumassières, particulièrement avec Sarah dont les exclamations compassées le hérissèrent.
    « Griselda », songea-t-il, l’esprit empli de ce seul nom.
    La lividité funèbre et l’immobilité de la malade

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