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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’idée de le sauver.
    — Tu trembles, dit Shirton.
    Rien n’eût pu guérir Ogier de ces trépidations désagréables.
    Il se pencha avec une promptitude, une cupidité folle pour toucher la main que Griselda venait de remuer. Toutes les puissances qui foisonnaient dans son être, il les lui eût données sans réticence, s’il l’avait pu. Ah ! si seulement Benoît Sirvin eût été présent ! Il aurait composé un excellent remède. La séculaire médecine des Templiers l’eût emporté sur les attouchements et, sans doute, les incantations d’un médecin sans savoir.
    — Tu es toujours là…
    — Oui, Griselda.
    Par quel prodige avait-il pu entendre cette voix si fragile ?
    La fillette eut un râle et remua la tête. La lueur de l’esconse à la flamme dorée ambrait son teint de lis ; sa peau avait la transparence des pétales de cette fleur et il eût pu compter les veines sur ses tempes et sur son cou déjà décharné. Sa main blanche et légère n’avait rien de vivant. Griselda n’était plus qu’un corps qui froidissait, une âme qui s’allégeait de tout un fardeau de souvenirs impurs et de malédictions injustes.
    — M’as-tu aimée ?
    Devait-il confesser, devant Shirton attentif, que des désirs l’avaient tenaillé, dont la fréquence l’exaspérait ? Que certaines nuits où il se sentait dur comme un gisant de pierre, il avait souhaité qu’elle eût l’audace de se blottir contre lui et qu’il ne lui aurait guère résisté, bien qu’en plein jour cette tentation lui parût répugnante et d’une impardonnable lubricité. Aucune excuse, se disait-il, ne pourrait ensuite atténuer ce péché. Il l’eût rendu indigne de cette paternité dont il ignorait tout… Et si Blandine, au lieu d’un garçon, avait mis au monde une fille ? Si cette fille, par un enchaînement de malheurs, devenait comme Griselda ?
    — Élisabeth ! demanda-t-elle.
    — J’allais aller te la chercher… Elle est venue, mais tu dormais…
    Mensonge ! Mensonge ! Mais il pouvait en commettre autant qu’il lui plairait.
    — Consens-tu à me savoir absent quelque temps ?
    Les entailles de la feuille-de-sauge pénétraient dans sa dextre comme des dizaines de petites dents guère différentes de celles d’un brochet. Avec elles, Guillaume parviendrait à se libérer.
    — Je me sens mieux… Tu peux partir.
    Mentait-elle ? Un sourire tremblé apparut sur ses lèvres. Ogier les baisa et se releva, indécis. Un clin d’œil de Shirton signifia : « Qu’attends-tu ? » Il ne lui opposa qu’une faible résistance, mais se retourna, anxieux que la fillette ne prît son départ pour une fuite astucieuse.
    — Je n’en aurai pas pour longtemps.
    Il sortit à reculons.
    Sitôt dehors, il fut étourdi par la fraîcheur de la nuit autant que par son silence constellé de voix lointaines, toutes joyeuses, apparemment. Quelques étoiles clignotaient autour d’une lune blafarde. Le ciel était d’un noir bleuté, velouté. Les bigarrures et les floches des feux de camp montaient à sa rencontre. Vers le val puant, tout était sombre.
    À quoi bon se retourner. À quoi bon imaginer ce qui se passait sous la tente. Ogier, pourtant, écouta, redoutant un cri de Shirton ou de la mourante. Les affres de Griselda semblaient avoir reflué dans son être avec sa passion vaine et inemployée.
    Il se recueillit. Que ferait-il pour déjouer la surveillance des gardes ? Seraient-ils deux ou davantage ? Guillaume dormirait-il au même endroit ? Serait-il toujours enchaîné à Barbeyrac ? Ces questions lui parurent vaines. Une fois sur place, il aviserait.
    Les passants étaient rares. S’il courait afin de revenir plus vite auprès de Griselda, leur curiosité se trouverait accrue. Il marcha en sifflotant comme un homme enjoué, sans reproche. Des ombres le croisèrent parmi lesquelles une femme riait. On eût dit le rire d’Élisabeth…
    Alors qu’il était enfin seul, le galop d’un cheval le fit se ranger. L’importun, sans doute un baron, tenait un falot que la course du roncin agitait.
    — Place, manant !… Par saint Yves et saint Michel, on n’a pas idée de gambier [174] si tard !
    Un Breton. Déjà, il était loin.
    Quelqu’un qui venait de se ployer en avant pour éviter une branche, surgit d’un chemin de traverse. Ogier ne put éviter la collision.
    « Merdaille !… Est-ce un sergent ? Non : il n’a aucune arme. »
    L’homme s’excusa en anglais. Ogier fit une

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