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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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négligé et se le reprochait. Il lui offrit la portion de bacon de son déjeuner alors que Shirton avait depuis longtemps englouti la sienne. Le rapace la piocha d’un bec violent, avide, sans même regarder son donateur. Shirton réprouva cette générosité :
    — Tu vas avoir besoin de toutes tes forces. Ne te prive pas, compère, tu le regretterais. Demain, dès l’aube, on ouvrira la geôle… Tom aura tôt fait de trouver sa provende !
    — Il nous en veut, Jack. Si je ne redoutais qu’il ne soit transpercé, je le délivrerais.
    — Il n’a plus longtemps à attendre.
    Une rafale éleva jusqu’à eux la première clameur du champ clos. Un archer devait avoir réussi un coup difficile. Shirton battit des paupières : elles semblaient peser sur ses yeux.
    — As-tu ouï, compère ?
    Le tremblement de sa voix trahissait sa fureur. Et son envie.
    — Nous aurions fait mieux, toi et moi. J’en suis sûr.
    Ogier demeura immobile, agenouillé près de Tom, écoutant la rumeur de joie et de surprise du peuple et des seigneurs ébahis par un nouveau coup heureux, le regard perdu, au-delà des branches, vers le vallon sans doute inoccupé par les captifs. Où se trouvaient maintenant Barbeyrac et Guillaume ? Élisabeth avait-elle aussi révélé qu’il avait un oncle prisonnier à Ashby ? Il s’ouvrit de cette inquiétude à Shirton qui le rassura aussitôt :
    — Lisbeth nous a quittés avant que tu aies retrouvé ton parent. Bien sûr, tu nous as dit qu’il pouvait vivre encore chez nous, sur la Grande Île. C’est tout ce dont je me souviens ; c’est tout ce qu’elle sait… Devant elle, tu n’as jamais parlé de ta cousine. Même devant Griselda…
    Par intervalles irréguliers, les clameurs survenaient ; de longs hurlements de déception ou d’allégresse. Le vent qui soufflait d’en bas vers les hauteurs ne cessait de les renforcer. Au-delà du champ clos s’étendaient, immenses, opulentes, jaunies et ocrées par l’automne, les terres du seigneur d’Ashby qui peut-être, demain, prendrait part aux joutes, s’il n’était trop vieux pour tenir une lance.
    — Bientôt, dit Shirton, il reverra sa forêt, son ciel, sa rivière.
    Et, sourcils froncés, il s’approcha de la cage. Tom sautilla de joie.
    — J’ai failli commettre une injustice. Je m’en repens.
    — J’aime que tu parles ainsi.
    Une bourrasque apporta un nouveau tumulte. Un des arcs, posés de guingois contre le tronc d’un chêne, s’inclina et tomba, entraînant un carquois dans sa chute. Quelques feuilles mortes tremblèrent ; d’autres s’éparpillèrent comme des bêtes apeurées.
    — C’est seulement après-demain, dit Ogier, que les seigneurs qui sont ici se lanceront à notre ressuite. Ils ne vont pas renoncer, demain, à courir des lances pour nous atteindre.
    — Tu t’égares !… Même si tu es chevalier, tu vaux moins, pour tous ces prud’hommes, qu’un renard dans un champ… Mais j’en suis sûr : les sergents d’Ashby et quelques autres nous recherchent déjà.
    — Ils ignorent notre gîte et quelles voies nous suivrons.
    Alors que son sang cuisait ses veines, Ogier ne savait d’où il tirait cette confiance. Il dit enfin :
    — Nous gagnerons si Tancrède se joint à nous.
    — Et si la bonne chance nous abandonne tous : moi, toi, elle , ton oncle et ce Barbeyrac ?
    — Eh bien, nous ferons front. Dieu nous viendra en aide.
    La journée fut terrible à leurs nerfs. La nuit vint, lente, nuageuse et froide, transpercée de vents aigres et de gouttes de pluie. Le ventre affamé, douloureux, l’esprit hanté par son désir de réussite, Ogier se détacha du tronc contre lequel il s’était adossé, tourna autour des chevaux, flattant leur encolure et tapotant leur croupe. Il eût aimé les savoir admirablement préparés au galop qu’ils auraient à soutenir dans la première demi-lieue. Il savait qu’il n’en était rien : ils n’avaient guère eu de fourrage et d’avoine, bien que Shirton se fût occupé de les nourrir au mieux en les emmenant paître dans une petite clairière dont il regrettait l’éloignement.
    — Il nous faudra, Jack, leur donner un gros picotin dès que possible.
    — J’en suis bien d’accord… N’aie aucune inquiétude… Cours retrouver ton oncle… Ramène-les, Barbeyrac et lui… Et surtout gardez-vous des mauvaises rencontres !

X
    — Nous sommes prêts, mon neveu. J’ai fait don de la lime à l’un de nos compères.
    Les

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