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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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inutile, encombrant, mais traître à son corps, la rage s’emparait de toute sa personne. Le vide apparemment immense – pour lui – à son épaule, et dans lequel sa chair s’offrait à un nouveau taillant, devenait son unique obsession. C’était comme une sorte d’avant-plaie à celle dont, bientôt, il souffrirait.
    Ogier frappa sur l’autre bras.
    Réplique molle par une épée tenue seulement dans la dextre. Cobham sentait son corps prendre la plus laide des formes : il se rétractait tout entier dans son fer tel un enfant qui sent venir la torniole. Il attaqua, trouvant l’assaut préférable au recul. Son épée suspendue dans l’air avant d’avoir trouvé le corps adverse, sursauta, rejointe férocement par Confiance. Cette fois, arrachée à sa poigne de fer, elle s’envola pour de bon.
    Il y eut un cri d’horreur dans la foule. Ogier sentit aussitôt près de lui la présence du cheval du maréchal de lice. Il ne s’en soucia, le regard traversant l’écorce de son ennemi avec une acuité qui, peut-être, le perçait plus douloureusement qu’une lame.
    Derrière l’Anglais, appuyés à la barrière, les capitaines – quatre ou cinq – avaient les bras tendus, prêts à recevoir leur compère, sauf un qui ramassait prestement son épée, contrevenant ainsi aux dispositions du combat.
    — Laissez-nous, dit l’un d’eux, défaire ce brassard.
    À qui s’adressait-il ?
    Ogier souleva sa ventaille, but une goulée d’air et regarda comme à travers Cobham, par transparence, l’importun moustachu qui interpellait Russell Chalk.
    — Holà ! messire… Moi, Ogier d’Argouges, qui vous parle présentement !… Sachez que je n’avais point d’armure, à Sangatte, quand il s’acharna sur moi ! Pas même le plus petit anneau de fer !… Je n’avais point de compagnons pour venir à ma rescousse, fut-ce avec des mots !… J’étais seul avec ma peur, car j’avais peur, je vous l’avoue… Peur autant que lui maintenant !
    Et se tournant vers Russell Chalk :
    — Auriez-vous oublié qu’un combat à outrance doit se passer de parlures et d’interventions comme celle de maintenant : car outre que ce chevalier débarrasse Renaud de Cobham de son brassard sans que vous y ayez consenti, l’autre lui tend son épée, ce qui ajoute une seconde faute à celle que vous avez agréée !
    — Messire, tels que nous sommes, nous en ferions autant pour vous, affirma le moustachu avec un sourire.
    — Faut-il, pour troisième concession, messire, que je lui accorde permission d’aller pisser ou chier sous sa tente ?
    Ogier commençait à sourire. Quel désarroi, chez tous ces Fiers-à-Bras !
    — Messire, reprit le moustachu, votre insolence…
    — Si elle vous mécontente, vous pouvez me jeter maintenant votre gage [300] . Je le relèverai, soyez-en assuré !
    — Laissez-le-moi, Offrey [301] , dit Cobham.
    Sa voix avait perdu toute son assurance. Il cherchait à la fois son souffle et son orgueil, sa force et son habileté. Sous la néfaste ascendance de la peur, tout ce qui composait son personnage de chevalier hors pair s’était dérobé à sa volonté, comme les pièces de son brassard s’étaient désassemblées de son armure. Si la réciprocité des haines restait intacte, l’Anglais n’était plus en mesure de soutenir la sienne avec autant d’ardeur qu’au début du combat. Il en avait conscience et, comme Ogier lui souriait, la pointe de Confiance en terre, l’Anglais se rua sur ce Français abhorré dont l’insolence le rabaissait aux yeux de son roi, témoin d’une humiliation à laquelle, sans doute, il n’avait pas songé.
    Confiance immobilisa l’arme devant le visage d’Ogier qui avait jugé inutile de rabattre sa ventaille.
    — Holà ! messire Cobham. Il y a, plus encore que votre épée, de la déloyauté dans l’air.
    L’éclair de la lame effleura le voile d’Éthelinde.
    De sa main libre, Ogier sollicita Cobham :
    — Vous êtes bien trop loin !… Approchez ! Approchez !
    Le cheval de Russel Chalk passa entre les combattants.
    — Messire, intima le maréchal de lice, vous devez vous abstenir de parler. C’est la règle !
    — Qui a desrieulé le premier, messire ? Dites-moi qui a desrieulé [302]  ! En m’admonestant ainsi, vous semblez deviner sa défaite !
    Sur le visage d’Ogier, le vent passait, rafraîchissant et doux, à senteur de cheval, puisque Chalk maintenait son coursier devant lui.
    — Laissez-nous

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