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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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manœuvrant son cheval. Le moreau, docile, semblait avoir été dressé à Gratot ou à Rechignac.
    — Tu es bon, dit-il en lui flattant l’encolure.
    Le cheval encensa et fit une pesade. Ogier sourit :
    — Je l’ai bien en main, les amis !
    Au pas, il rejoignit son oncle et Barbeyrac.
    — Celle-là ! dit Guillaume.
    Il tenait une lance dont Barbeyrac l’aida soigneusement à vérifier la hampe.
    — Bon frêne… Aucun nœud… Vois : la prise est parfaite et l’agrappe solide.
    Ogier la saisit et la soupesa puis, la restituant à son oncle :
    — Vous allez me l’embellir… Étienne, débarrasse-moi de ma manche honorable. Transperce-la de ce fer : qu’elle fasse l’effet d’un pennon.
    Il se pencha de côté pour que Barbeyrac pût dénouer le gage d’Éthelinde de sa cubitière et le fixer ensuite comme il l’en priait.
    — Il tient peu.
    — Heureusement. Cobham s’en servira pour éponger son sang !
    Il observait son ennemi tout occupé à passer son courroux sur un destrier qu’il tourmentait de la bride au frein afin qu’il reculât vers l’angle de la lice. Jamais ce malfaisant ne pourrait courir vingt lances, pas même deux, avec une bête pareillement endolorie.
    — Êtes-vous prêt, messire Ogier ? demanda Russell Chalk en s’approchant.
    — Oui, messire Russell… puisque nous en sommes aux prénoms, mais je vous demande un petit moment pour aller saluer dame Éthelinde de Winslow… ou plutôt de Ringwood, au premier rang de cette tribune enfleurie.
    — Il est vrai que vous portez son emprise. J’ai bien connu Henry, son époux…
    Russell Chalk parut sur le point d’ajouter une recommandation ou un encouragement ; il se contenta d’un geste qui, à n’en pas douter, signifiait : « Bonne chance. » Pour Éthelinde ou pour la joute ?
    Ogier galopa vers l’échafaud des dames. Dès qu’il fut rendu, le silence tomba. Tancrède eut un sourire de convenance. Il s’inclina devant la reine, la lance d’aplomb sur le sol, puis salua promptement Odile et ses voisines sans se soucier de l’expression de leur visage. Ensuite, il mena le moreau devant Éthelinde dont le manteau privé d’une manche révélait les moirures d’un brocart à ramages.
    Il abaissa sa lance en signe de respect et fut surpris de voir rougir sa dame – moins, sans doute, pour l’hommage qu’il lui rendait que pour les regards hostiles de ses voisines.
    Éthelinde tenait une rose de parchemin. Elle la lui jeta. La fleurette se souilla de boue. Un juge la ramassa, l’essuya contre sa cotardie et la tendit à Ogier. N’ayant rien où l’accrocher, il l’introduisit sous sa cuirasse, côté cœur, ostensiblement, s’inclina et rendit la main au moreau prêt à galoper d’un pied sûr vers le fond du champ.
    Tancrède battit des mains et fut presque la seule. Odile avait un air pantois et pincé, les yeux verglacés de rage.
    « Elle s’attendait à me voir mourir. Elle me hait de la décevoir ! »
    La tribune royale était sur son parcours ; il s’y arrêta et salua Édouard III avec un sang-froid et une courtoisie des plus irréprochables. Le roi, pris de court, s’inclina et le pria de lui dire, en toute franchise, ce qu’il pensait de Renaud de Cobham.
    — Sire, dit Ogier d’une voix résolue, à Sangatte, j’eusse aimé être vêtu de l’armure de fer que je porte présentement. Alors, je serais encore en mon pays… et votre capitaine en Paradis, si toutefois Dieu n’y avait point fait objection.
    — Je vous connais bien, Argouges, et vous sais bon gré de votre fermeté d’âme… Mais qui sait où cette âme sera bientôt…
    — Toujours sous ce bassinet, sire, et fermement décidée à n’en point sortir !
    Il avait dit cela d’un ton rieur, mais son regard était plombé d’une violence qui ne demandait qu’à s’exprimer. Édouard III se mordilla les lèvres dans l’attente d’une nouvelle insolence. Devinant que l’humeur du roi s’altérait, Ogier se garda de toute faute. Levant haut et droit sa lance, il tourna bride.
    La foule gronda derrière lui. Le grondement se répandit autour du champ aussi violemment qu’un tourbillon. Tout était clair. Il n’y avait rien qu’il ne pût comprendre : s’il tuait Cobham et n’était pas immédiatement protégé par des hommes d’armes, tous ces intraitables renverseraient les barrières pour l’occire et le dépecer.
     
    *
     
    « … et aura deux chapeaux de fer paraux, lesquels je

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