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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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messires… Quand vous voudrez…
    Ogier examina Renaud de Cobham avec un sentiment d’orgueil suscité par l’idolâtrie qui soutenait l’Anglais. Prescott lui mettait les pieds aux étriers puis lui offrait une lance.
    Cobham la soupesa pour que la longue langue d’acier qui prolongeait la hampe attirât tous les regards. Ensuite, il dut tenir à démontrer qu’il savait l’art d’être immobile. Pourtant, il s’élança le premier.
    Galopant aussitôt, Ogier coucha le bois plus que nécessaire. La longue feuille ferrée de son extrémité frôla l’herbe sans la toucher. La foule rit de cette faiblesse apparente, mais brusquement la hampe de près de deux toises s’éleva. Il vit, en même temps, que le puissant destrier de l’Anglais s’irritait d’un houssement dont les deux panneaux de devant lui battaient les genoux. Le Noiraud, lui, galopait à longues foulées agiles.
    Cobham dut avoir le sentiment que le terrible éclair noir d’un cheval d’Apocalypse fondait vers son coursier. Son hurlement jaillit tandis que, perdant lance, écu, rênes et étriers, il s’élevait dans l’air comme un esteuf botté par un pied formidable.
    Il chut sur côté, disgracieusement, dans un bruit de ferraille. Effrayé par la violence de la collision, son destrier galopa puis ambla par petites foulées, vers le pavillon des Anglais en hennissant à pleins naseaux.
    Ogier, dont la lance s’était brisée sous l’agrappe, jeta le bois restant et fit volter son cheval. Il s’aperçut alors que les ceintures qui le liaient à ses étriers s’étaient rompues. Il avait bien fait de s’assujettir ainsi : sans cette précaution, il fut tombé, lui aussi.
    Russell Chalk s’était approché de Cobham. Il s’en éloigna quand son vainqueur vint le considérer.
    — Levez-vous, messire ! Continuons !… Oubliez-vous que c’est une joute à outrance ?… Allons, levez-vous donc, que nous en finissions !
    — Je ne le puis.
    Ogier s’attendait à un : «  Achevez-moi . » Or, Cobham n’était décidément pas de son espèce :
    — Vous m’avez rompu l’épaule. Je ne puis tenir une autre lance.
    — Comme Brackley, poignez-la par la senestre.
    — Je ne suis pas senestrier.
    — Vous êtes quoi, alors ? Votre cheval est prêt : remontez en selle.
    — Je ne le puis, vous dis-je.
    — Alors, je dois vous tuer !
    Ogier n’en pensait pas un mot. Il rit un peu lourdement. Russell Chalk s’approcha, l’air humble, tout aussi affligé, sans doute, que le vaincu.
    — Messire ! C’est à sa charité que l’on juge un prud’homme…
    — Il n’en fit point montre envers moi à Sangatte !… Allons, relevez-vous que l’on vous voie debout !
    Ogier mit pied à terre et dégaina Confiance. Cobham se recrobilla « comme un hanneton que l’on titille avant de l’écraser ». Il gémit :
    — Je ne puis me lever et j’ai grand mal.
    — Comme moi, messire, à Sangatte !… Vous le saviez, mais vous vous délectiez à aggraver mes maux !
    — Messire… intervint Russell Chalk en descendant de cheval.
    Il geignait presque autant que le perdant, qu’il desheauma.
    — Relevez-vous, Renaud !… Un peu de nerf !
    Offrey, de loin, hurlait sa déception. D’autres chevaliers prodiguèrent leurs encouragements au vaincu, mais celui-ci s’obstinait dans une surdité qui, face aux tribunes silencieuses, commençait à indigner la plèbe.
    Ogier appuya la pointe de son arme sur la gorge mise à nu. « Il sait, désormais, ce que j’ai éprouvé. » Dartford et Offrey s’avançaient à grands pas. Leur lividité, leur colère, rejetaient toute compassion.
    — Renaud ! Aren’t you ashamed, coward, of remaining in such a sorry plight [309]  ?
    Aucun doute : Dartford invectivait son compère et le sommait de se relever.
    — J’ai l’épaule percée, broyée ! Voyez ce sang : il a défoncé ma cuirasse !
    C’était vrai, et ce coup ébaubissait Offrey. Le départ, lance basse, avait dû l’égayer. Sans doute avait-il cru qu’elle était trop lourde au bras du Français. Maintenant, il faisait grise mine. Comme les deux chevaliers s’employaient à relever leur pair pour le soustraire au trépas, Russell Chalk les semonça sans qu’ils s’arrêtassent. Ogier fit deux pas en avant :
    — Messires !… Vous enfreignez les règles. Prenez garde !
    Il menaçait d’une voix qui n’était plus sienne – une voix de juge – tout en pointant sa lame vers la face

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