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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dextre !… Ai-je votre assentiment ?
    Les deux chevaliers se consultèrent d’un regard. « Tête nue ! » songeaient-ils. « Mais il va se faire parhonnir [308] sans qu’il y ait un gros effort à fournir pour l’achever ! » Ils serraient les mâchoires afin de contenir le plaisir qui leur chatouillait les lèvres, et Cobham dut se contraindre pour montrer à l’écervelé une face morose, mal purgée de joie et d’impatience.
    — Eh bien, soit ! Allons-y, messire ! Courons des lances ainsi que vous le voulez ! Russell… Approchez !
    Le maréchal de lice obtempéra. Il s’étonna défavorablement que les conditions de la rencontre eussent été modifiées. Cobham ne manqua pas d’exemples pour justifier ce changement. Il les énuméra en anglais, soit pour gagner du temps, soit pour en imposer à Chalk. Et tandis que la discussion se poursuivait, Ogier galopa vers ses compagnons. Ils l’accueillirent avec inquiétude.
    — Que s’est-il passé ? demanda Barbeyrac.
    — Ils voulaient me flouer. Je les ai déjoués. Aide-moi, Étienne.
    Ogier se pencha autant qu’il le pouvait :
    — Monte sur l’escabelle, dénoue les aiguillettes de ce bassinet.
    — Tu vas courir tête nue ! s’indigna Guillaume. C’est marmouserie…
    — Ote ta ceinture, Étienne… et vous la vôtre, mon oncle.
    Il pouvait employer cette appellation : ils étaient seuls. Le héraut de Cobham, accompagné du maréchal de lice, annonçait à cor et à cri les modifications de la rencontre. La foule remuait, impatiente de voir le Franklin vaincu.
    — Liez-moi les pieds aux étriers. Faites passer les courroies sous le poitrail du Noiraud… Bien plates, ces courroies, afin que le cheval ne soit ni blessé ni titillé.
    — Tu vas te tuer, s’écria Guillaume.
    Ogier considéra l’espace vert, gluant, où s’établirait sa revanche.
    — Non, mon oncle. Et que Dieu m’aide ou non, je vaincrai ce fumeux ! Je m’élancerai lance basse, comme, après mon père, vous-même et Blanquefort l’avez enseigné au bachelier qui vous doit tout.
    Bien que ce fut flatteur, le vétéran demeura incrédule :
    — Tu doubles ainsi, mon neveu, la bonne chance et le hardement de Cobham !
    Ogier réfuta cette réplique. Il se sentait solide dans son droit, dans ses reins, son bras dextre et dans la terre entière :
    — Vous avez raison, mais vous vous méprenez aussi. Mon dessein est d’une éblouissante évidence. Cobham va décider de m’atteindre à la tête. Donques, il lèvera son bois sur elle plutôt que sur mon écu. Il découvrira ainsi son épaule dextre…
    — Ne te méprends-tu pas ? Ce n’est pas la senestre, celle que protégera son écu, que tu veux bûcher ?
    — Non… L’épaule appartenant au bras qui tient la lance. Je passerai devant son écu…
    — C’est bien pourpensé, mais c’est de la folie.
    — Mes mésaventures forment une chaîne de folies. Je ne puis en rompre le cours. Alors, je continue… J’aurai entre trois et six pouces d’armure sans protection pour y porter ma lance et, tête nue, ma vue sera meilleure que sous un heaume ou un bassinet. Je toucherai Cobham si bien et si férocement qu’il cherra de son cheval… Il peut se briser les reins en tombant mal…
    — Alors ?
    — Je saurai me montrer magnanime.
    — Si vil que soit cet homme, tu ne l’achèveras pas ?
    — Le remords qu’il aura de sa déconfiture ainsi que sa vergogne d’avoir contrarié son roi et tous les Goddons qui nous entourent seront pires, pour cet outrecuidant, qu’une mort ignominieuse et soudaine.
    — Le remords ! ricana Guillaume. La vergogne !… Comment ce malandrin pourrait-il en éprouver : il n’a pas de cœur !… Allons, fais pour le mieux.
    — Vous le verrez gésir dans l’herbe et dans la boue.
     
    *
     
    Le silence n’était troublé que par des tousseries d’adultes et des pleurs d’enfançon qu’un téton, sans doute, apaisa. Aux échafauds, ce grand tribunal des nobles, nul ne bronchait. Penché au garde-corps de sa tribune, Édouard III croisa les bras. Il devait avoir cet aspect lourd d’attente et d’anxiété lorsqu’il avait traversé la mer, à la proue du Christophe, pour envahir la Normandie.
    « Tu vas voir, Barbichou, ce que peut un Argouges ! »
    Au milieu du terrain, éloigné de quatre ou cinq toises de la barrière, Russell Chalk donnait des signes d’impatience : son cheval commençait à jouer du sabot.
    — Allez,

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