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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui ne rechigne point à se coucher, prévaut sur une bonne épouse que ton désir désoblige.
    Shirton dévisagea Ogier. Son regard parut sortir d’une somnolence où les propos qu’il avait entendus l’avaient plongé, pour exprimer une compassion lourde, presque sauvage :
    — Elle t’a fait souffrir pour que tu en parles ainsi ! Je la déteste autant que toi !
    Ogier fut tenté d’enchérir : « Pas tant que moi ! » Il refréna son courroux :
    — Fais en sorte de n’avoir jamais Élisabeth en détestation.
    Puis il toucha l’écorce rude, tachetée de moisissures, du plus âgé des ormes :
    — Eh bien, nous les nouons ces cordes ?
    Shirton mesura le tronc d’un coup d’œil et posa sa paume au-dessus d’un rameau.
    — C’est la bonne hauteur ?
    — Il me semble. Nous avions oublié le fauchet : Griselda nous l’apporte.
    — Crois-tu, à vingt toises, pouvoir percer cet arrosoir de part en part ?
    — Oui : grâce à tes leçons.
    Ce n’était plus à Shirton qu’Ogier avait affaire, mais à Aster.
    — Avant d’atteindre Ashby, nous achèterons un arrosoir semblable.
    L’archer avait tellement apprêté son tour de force et d’adresse qu’il fit une pause pour le bien expliquer :
    — Notre seule façon d’accéder au champ clos et de piéter parmi les tentes des seigneurs dressés à l’entour, c’est d’être pris pour des bateleurs. Sans doute, en France également, un pardon d’armes rassemble-t-il des ménestrels, des montreurs d’animaux, des faiseurs de sauts et contorsions…
    — Comme moi, dit Griselda en déposant le râteau dans l’herbe.
    Une clarté intérieure s’ajoutait à celle du soleil déclinant sur son visage épuré de toute effronterie.
    — Laisse-nous, dit Ogier. De grâce, laisse-nous !
    Elle s’éloigna en dansant tandis que Shirton, après un long soupir, reprenait :
    — Avant le commencement de l’épreuve de tir à l’arc, tous ces gens-là offriront un spectacle. Je ne sais combien il durera, mais je suis sûr que le ou les vainqueurs seront riches pour quelques semaines ou quelques mois, selon qu’ils sont ou non dépensiers… Élisabeth et Griselda tiendront chacune une corde.
    — Griselda n’est ni suffisamment forte ni suffisamment grande.
    — Nous trouverons bien une escabelle sur laquelle elle montera.
    Ils se détournèrent vers la petite, debout, le chaperon dans ses bras repliés. Elle le caressait toujours tandis qu’Élisabeth la morigénait à gestes rudes et à voix basse.
    — Sitôt l’arrosoir en l’air, je tirerai deux sagettes… Il faut qu’elles entrent par la vue, toutes deux en même temps.
    — C’est impossible.
    Ogier craignit d’avoir mécontenté Shirton. Or, il sourit avec une certitude confondante :
    — J’ai essayé cent fois des tirs de cette espèce. Mes échecs ne m’ont pas rebuté. J’ai gagné.
    — Tu vas me montrer ?
    — Oui… Tu dois, de ton côté, traverser ce heaume après moi… En deux coups… Et ne me dis pas que c’est impossible alors que, devant toi, je le ferai en un seul !
    Shirton écarta les bras comme Tom, invisible pour le moment, écartait ses ailes dès qu’il s’apprêtait à l’envol : tout d’abord lentement puis de plus en plus fort.
    — J’ai froid. Pourvu que je n’aie pas un rhume qui brouillerait ma vue ! Allons, noue fermement cette corde à ce tronc.
    Ogier obtempéra puis, prenant les devants :
    — Nous lions maintenant l’autre corde à l’autre orme. Ainsi, nous suspendons l’arrosoir.
    — Non, messire ! Nous allons retourner notre petit heaume, puis le bourrer d’herbe et de terre, enfoncer à l’intérieur le manche du fauchet et tasser pour qu’une fois retourné, rien ne s’échappe. Ensuite, tu pourras procéder à ta guise.
    Ce fut fait. Ogier essuya ses mains sur son haut-de-chausses et tendit soigneusement la corde. Elle remuait à peine ainsi que l’arrosoir lorsque Shirton l’eut aidé à l’assujettir au tronc.
    — Et maintenant, Jack ?
    — Nous allons reculer de vingt pas, face à notre quintaine du pauvre.
    Shirton se tourna vers la grange :
    — Griselda, porte-nous les arcs et les sagettes.
    Elle accourut. Sans se soucier d’elle, Shirton tira deux flèches de son carquois. Avant d’extraire les siennes, Ogier interrogea son compagnon du regard.
    — Ce que tu vas voir est simple. Au lieu de tenir mon long bow comme tu sais, je le couche à plat… Comme

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