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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à la volonté de la corde, et soudain Han  !, le vol, la vibration terrible le long de l’avant-bras… Le tintement lointain ; l’arrosoir qui se vide et le manche du fauchet qui se rompt.
    — Touché, dit Shirton. Beau coup… mais un peu bas. Tu es digne de moi… C’est bien… Une autre, à présent !
    Ogier, plus serein, banda aussitôt son long bow. Il fallait qu’il touchât la cible en son milieu. Il sentit près de lui Griselda inquiète et eut envie de la renvoyer.
    — Dieu t’aide ! dit-elle avec une ferveur singulière.
    La flèche transmutée en éclair gris-noir pénétra dans le cuivre, sous les empennes de Shirton, là où, dans un heaume, se fut trouvé un nez qu’elle eût fait éclater.
    — Allons voir ! dit Griselda en battant des mains.
    En riant, ils allèrent examiner l’arrosoir. Percé de part en part, il était désormais presque inutilisable. Shirton dégagea doucement les trois flèches.
    — C’est bien, jubilait-il. C’est fort bien… Quand nous irons quérir des sagettes chez un fletcher , je prendrai des fers moins larges… Allons, viens, compère. Nous avons mérité un bon repos… Griselda, ramasse la sagette à tes pieds.
    La fillette obéit puis, montrant l’arrosoir de son pouce :
    — Vous le laissez en place ?
    — Oui… Avant de partir, demain, nous recommencerons… mais de plus loin.
    Griselda dansota tout en mignotant le chaperon boulé qu’Ogier ne lui demandait pas. Elle avait un air de satisfaction sans malice. Tom apparut au-dessus de la grange et, pour la première fois, se posa sur l’épaule de la fillette insoucieuse des serres qui l’égratignaient.
    — Il se met à l’aimer aussi ! s’ébaudit Élisabeth un peu pâle. Goddam ! On aura tout vu !
    Délivrée des pires contraintes, sa vraie nature réapparaissait. Le peu qui chaque jour en affleurait ne laissait pas d’être inquiétant.
    Shirton caressa la tête de Tom. Aussitôt le rapace cligna des paupières.
    — Demain, Lisbeth, tu iras couper de l’osier avec Griselda. Il faut que Tom ait une cage sinon, à Ashby, et pour montrer son savoir, un huron ou un manant pourrait l’abattre en plein vol… Compris, Lisbeth ?
    — Une cage !… Une cage !… On va s’abîmer les doigts pour messire Tom !
    Shirton parut ravaler sa colère : la nuit allait venir ; un désaccord le priverait des coutumières étreintes. Il soupira et baissa la tête, vaincu.
     
    *
     
    Shirton et Élisabeth avaient depuis longtemps choisi leur retrait dans la grange. Ils s’y réfugièrent. Ogier demeura au-dehors, adossé à un mur décrépi tandis que Griselda, incapable de dormir, allait et venait dans le pré, cinglant l’herbe à coups de pied soit par jeu, soit par colère.
    L’ombre fraîchissait. Un vent qui quelquefois s’ensauvageait un peu accusait les clapotements du ruisseau. Juché sur le linteau de l’unique fenêtre, Tom s’animait de temps en temps, frottant ses ailes ou étirant une patte. On eût dit une gargouille délivrée d’un enchantement. Il y en avait une à Gratot, une sorte de bélier, au ras et au milieu de la balustrade qui, à son faîte, ornait la tour de la Fée. Maintenant, de l’autre côté de la mer, Blandine-la-Frileuse ne pouvait y rêver. Trop froid, trop humide. Et l’enfant ? Dormait-il ? Mâle ou femelle ?
    Ogier renifla et fléchit les genoux.
    — Tu pleures ? dit Griselda en s’asseyant aussi.
    — Sûrement pas.
    La petite joignit ses mains gantées de lune.
    — C’est quoi, dis-moi, qui emplit tes yeux ?
    Elle semblait soudain peureuse et désarmée, touchante dans son intention de se montrer discrète et charitable.
    On remua derrière le mur de torchis. Des lézardes permettaient d’entendre tout ce qui se passait à l’intérieur, mais ni Ogier ni la fillette ne s’occupaient plus des bruyants ébats et des sourdes dissensions de ce couple désaccordé.
    — Ils parlent… Et pour que tu ne saches rien si tu es aux aguets, c’est de l’anglais… Mets ton oreille là, il y a un creux… Je vais être ton latinier [119] .
    Dans le silence où bruissait la litière de paille, Ogier entendit Shirton s’exprimer peut-être volontairement en français.
    — Non… Plus tard, j’aviserai. J’ai décidé d’aller à Ashby. Rien ne m’en empêchera. Pas même toi.
    Plus un mot. Élisabeth se renfrognait peut-être. Puis d’une voix que le chuchotement rendait sifflante :
    —  He shouldn’t have kidnapped

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