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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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étais sûr.
Pourtant, elle n’était plus une enfant. Mes yeux ne me trompaient pas :
sous l’arc des quatre portails se tenait une femme dont le visage était celui
d’Eva.
    Pourtant, c’est avec une voix d’homme qu’elle me
parla : « Ouvre les yeux, David ! Le shabbat approche. Si tu ne
l’honores pas, le Messie ne viendra pas. »
    Tout en l’écoutant, je fis des calculs rapides et complexes,
comme on apprend à les faire dans les exercices de concentration de la Kabbale.
J’en déduisis que la valeur numérique du mot shem hamashia’h le nom du
Messie, correspondait à la valeur numérique du mot shabbat , le samedi.
Pour les premiers deux mots : trois cent quarante plus trois cent
soixante-trois. Pour le second, sept cent deux plus un. Le chiffre de l’Éternel
béni soit-il !
    Et voilà qu’achevant mes comptes j’aperçus sous le second
portique notre maître le MaHaRaL. Il portait sa toque de martre et tenait par
la main un être étrange, immense, difforme. Ou, plutôt, une forme d’homme qui
n’était pas bien ressemblante. Molle et humide. Un mot vint dans ma
bouche : Golem ! Golem ! Golem !
    Peut-être l’ai-je dit de pleine voix ? La forme était
vivante. Une créature douée de vie.
    Elle s’approcha, bras ouverts. Le MaHaRaL eut un geste, mais
la créature fut si près de moi que je sentis son souffle. Je fus incroyablement
étonné d’où venait son souffle, puisque je ne lui voyais pas de bouche ?
    Le MaHaRaL prononça quelques mots. Je ne les entendis pas,
vis seulement ses lèvres bouger.
    La créature n’était plus. Je regardais partout autour de
moi : plus rien. Le MaHaRaL me montra le sol. Je vis un tas de poussière.
    Ainsi s’acheva mon rêve. Ou quoi que ce fût.
    Je n’en dis pas plus maintenant. Tu comprendras bientôt
pourquoi, lecteur.
     
    Quand j’ouvris les yeux, j’aperçus une bougie.
    Je voulus me tourner. Une douleur m’arracha un gémissement.
    — Que l’Éternel soit loué ! s’écria une voix de
femme.
    — Qu’Il soit loué à jamais, amen, amen ! répondit
une voix d’homme.
    Je soulevai les paupières autant que je le pus. Un homme
robuste, à la barbe noire, et une jeune fille blonde se tenaient près d’un
fourneau.
    Quand je voulus demander où j’étais, aucun son ne sortit de
ma bouche. Mais l’homme avait compris.
    — Vous êtes chez des amis. Chez de bons Juifs.
    La fille ajouta :
    — Vous n’avez plus rien à craindre.
    C’étaient un père et sa fille. Leur maison était minuscule,
mais sise au bord d’un lac enchanteur. Ils soignèrent mes blessures avec leur
savoir de gens de la forêt. Le père était bûcheron et allait parfois couper
jusque dans le haut de la vallée de l’Adige. J’appris que les Musetto avaient
été enlevés puis libérés contre une belle rançon. Ils devaient déjà avoir
rejoint Venise et, moi, je me retrouvais sans le moindre argent ni vêtement,
sans même de quoi écrire !
    J’hésitai à m’en plaindre ou à m’en réjouir. Je passai là
presque six mois, aidant mes hôtes du mieux que je le pouvais. D’après la fille
du bûcheron, je faisais merveille avec les oies. Il est vrai qu’elles ne me
quittaient guère. Mais ce que je partageais le plus avec ces êtres de bonté
était le rire, la douceur des jours et, je crois bien, une certaine insouciance
qui ne m’est jamais plus revenue.
    Puis, à la veille de l’an 5360 après la création du
monde par l’Éternel, béni soit-il, une troupe de jeunes rabbins s’arrêta pour
demander du pain, de l’eau fraîche et la permission de dormir dans la grange.
    Ils allaient à Venise acquérir deux exemplaires de la Bible
de Soncino pour le compte du grand rabbin de Lublin, Mordechaï Joffe. Je repris
la route avec eux.
     
    Lors de mon bref passage à Francfort, une année plus tôt,
j’avais entendu parler du célèbre philosophe et astronome Giordano Bruno.
Suivant l’enseignement de la Kabbale, il approuvait la pensée selon laquelle le ein-sof, l’infini, avait été peuplé par le Créateur d’innombrables
soleils possédant un nombre inépuisable de planètes. Chacune tournait autour de
son astre, ainsi que Copernic, déjà, l’avait prouvé.
    J’arrivai à Venise alors que le tribunal de l’inquisition
venait de mettre Giordano Bruno aux fers. En vérité, on ne lui reprochait pas
seulement de croire comme Copernic, mais aussi d’avoir osé dire que la Kabbale
des Juifs tenait un discours profond et

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