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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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de figures des constellations soulignées
de maximes peintes à l’or. La plupart célébraient la gloire du prince des astronomes.
L’une vantait sa beauté physique et ajoutait : « Que brille plus
belle, celle qui se cache : la beauté d’âme. » Une autre
affirmait : « Très rares sont ceux qui ont l’âme assez pure pour
avoir élu comme vénérable entre tous les métiers celui de contempler le
ciel. » Une autre, encore, interdisait aux femmes de franchir le seuil de
cette pièce.
    Je l’avais imaginé grand, peut-être immense. Tycho Brahé
était un homme petit, rond et roux, serré dans un costume noir. Son cou
disparaissait dans une collerette empesée. Son front et ses joues offraient une
grande pâleur, où ses yeux paraissaient d’un bleu de ciel. Pourtant, dès qu’on
l’entrevoyait, quelque chose de lui surprenait.
    La bizarrerie venait de sa moustache et de son nez. L’une
était immense, pareille à deux queues de lapin bien droites enserrant sa
bouche. L’autre était minuscule. Et d’une matière étrange.
    Il me fallut quelques secondes pour comprendre que la chair
du nez de Tycho n’était pas naturelle. Elle possédait des reflets de moire et
d’or qui miroitaient selon ses mouvements. La forme, sans aucune souplesse
naturelle, était d’une rigidité droite, munie de deux orifices larges en guise
de narines, et faisait un peu songer au groin tronqué d’un jeune pourceau.
    Le seigneur Brahé était accoutumé à ces surprises, cette
manière d’être dévisagé lorsqu’un inconnu le rencontrait. Il attendit que cesse
mon auscultation et que je montre un peu d’embarras pour me déclarer en
latin :
    — Alors Rodolphe veut de moi et vous envoie
m’acheter ?
    Il riait et je ne sus que répondre. Il s’amusa encore en
ajoutant :
    — Monsieur Gans, allons droit au but. Observons le
mouvement des rois et des empereurs comme nous observons Saturne et la Stella
Nova… Vous savez que c’est moi qui l’ai découverte, la Stella Nova ? Je suis
en état de donner tous les détails de sa course et l’intensité variable de son
éclat durant cinq années jusqu’à sa disparition… Bien. Donc, pour répondre à
Rodolphe, je disais : Allons droit au but. Je ne songe à quitter ni
Venusia ni ce palais. L’un et l’autre ont été conçus pour mon bonheur et avec
l’argent de Frédéric, roi du Danemark. Je leur dois de rester, à l’un comme à
l’autre. Mais… mais demain… Ce pauvre Frédéric se fait vieux et ma vie est
longue, si j’en crois la position de Mars. L’avenir toujours est incertain et
les étoiles réclament notre regard éternel…
    Il s’interrompit pour mesurer l’effet de son discours sur
moi. Je n’ai jamais su ce qu’il en conclut.
    — Donc, si je ne dis pas oui à votre empereur,
poursuivit-il, je ne lui dis pas non. Vous pourrez lui écrire cette réponse
dans votre prochaine lettre. Et ce que vous découvrirez d’autre dans Venusia.
Puisque vous êtes venu espionner chez moi pour son compte, n’est-ce pas ?
Ne protestez pas, ce n’est pas un reproche. Je suis très accoutumé aux espions.
Il en vient sans cesse dans mon Uraniborg. Toute l’Europe capable d’aligner
trois chiffres et de se souvenir du nom d’une planète veut m’espionner. C’est
un principe naturel, monsieur Gans : ceux qui sont incapables de penser,
créer et découvrir par eux-mêmes volent. Cela fait beaucoup de monde, vous
savez.
    Il se tut, sourit, ce qui eut pour effet de soulever
extraordinairement les pointes de sa moustache, qui parut un instant à
l’horizontale.
    Il me demanda encore :
    — Savez-vous pourquoi j’ai donné ce nom d’Uraniborg à
ce palais, monsieur Gans ?
    Je répondis aussi vite que je le pus que cela devait être en
hommage à celle que les Grecs nommaient Uranie.
    — Ptolémée en avait fait sa muse et Copernic place son De
revolutionibus orbium cœlestium sous son patronage.
    Le prince des astrologues approuva, plissant si fort les
paupières que le bleu de ses yeux disparut. Il quitta le latin pour un hébreu
sans beaucoup d’accent :
    — Vous êtes juif, monsieur Gans.
    Ce n’était pas une question, plutôt un constat. Ce n’était
pas un reproche non plus. Mais une découverte qui donnait à Brahé un sourire de
gourmandise.
    — Vous connaissez les mathématiques ?
    — Oui.
    — Bien ?
    — Assez.
    — L’astronomie ?
    — Autant.
    — Le grec, le latin,

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