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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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discuté.
Ce qui lui permettait de ne s’attirer aucune foudre, qu’elle vînt de Luther ou
du pape.
    Pour le reste, Brahé était intransigeant. Il fallait tout
revoir de la science des mouvements des astres, les calculs comme les moyens de
les produire. Son ambition n’avait pas de limite. Il était fin manœuvrier,
savait faire briller son savoir au point que le roi du Danemark lui avait
offert de quoi réaliser son rêve : une île au large de Copenhague,
Venusia, et des monceaux d’or pour y établir un laboratoire d’observation,
qu’il avait appelé Uraniborg. Tout le monde s’accordait à dire que c’était la
chose la plus grandiose que l’on pût voir… Si on le pouvait.
    Car, me répéta-t-on à satiété, le prince des astronomes se
montrait jaloux de son savoir comme de ses résultats. Quantité de visiteurs
avaient été purement et simplement mis à la porte. Ses nombreux assistants, il
ne les choisissait qu’après une enquête minutieuse.
    C’est lesté de toutes ces mises en garde que j’atteignis la
côte du Danemark le septième jour d’Eloul, à la toute fin de l’été.
    Le ciel était sans nuages, la mer mouchetée d’une écume
légère que dispersait une brise sans violence.
    Le nom latin de l’île, Venusia, venait de ce que les gens du
lieu la nommaient « Ven ». Depuis la côte herbue où se disséminaient
des maisons de pêcheurs et par une belle journée comme celle-ci, on la
discernait aisément. Elle se découpait au centre de l’étroit chenal qui sépare
le royaume de Suède de celui du Danemark.
    Après être monté dans une barque à la voile carrée, je me
réfugiai dans un espace discret. J’ai prié ce jour-là avec une ferveur que je
n’ai, hélas, pas toujours éprouvée. Aujourd’hui, pourtant, cette dévotion me
tire un sourire. Elle sentait la crainte plus que l’ardeur.
    Si Dieu avait désiré offrir à l’homme un point d’où il
puisse considérer le ciel d’un regard aussi pur que le cœur, Venusia était ce
lieu parfait.
    Ce n’était pas une grande île. De forme ovale, pansue comme
un œuf d’oie, on en faisait le tour en une petite journée de marche. Au sud,
une falaise aussi abrupte que les à-pics d’Autriche s’y dressait sur la mer.
Mais, de son point le plus haut, elle s’abaissait vers le nord en un lent
plateau. Le vent y soufflait chaque jour et les nuits d’hiver y étaient
interminables. L’air en demeurait d’une si intense clarté que le ciel
fourmillait d’astres. L’obscurité venue, cela ressemblait à un tissu d’argent.
    Le beau pays de Bohême m’avait accoutumé à bien des
perfections d’architecture. Cependant, jamais je n’avais vu un bâtiment comparable
à l’Uraniborg. Il occupait le haut du plateau, loin des brumes et des embruns.
    Brahé l’avait voulu selon les plans de la Villa Rotonda de
Palladio, à Vicenze, en Italie. Neuf années de labeur et une belle fortune
avaient été nécessaires pour l’achever.
    Aussi rond qu’une roue, surmonté d’une quantité de tours,
clochers, dômes, toits rétractables et bulbes à fentes, il enserrait une vaste
place centrale. Elle-même était entourée de terrasses conduisant à un cloître
couvert dont les parties sacrées et croisillons étaient disposés selon une
représentation du monde dessinée par Tycho lui-même. L’on y entrait par
l’ouest, ainsi que l’Occident s’en vient à Jérusalem…
    Il était presque midi lorsque je me présentai devant une
manière de chambellan. Il me considéra avec autant de méfiance que je m’y
attendais. Il disparut jusqu’à la fin de l’après-midi après avoir emporté les
lettres de l’Empereur. Je patientai sans rien manger ni boire dans une sorte de
courette munie d’un banc de pierre. On vint m’y chercher deux heures avant la
nuit pour me conduire sans une explication dans un quartier réservé aux
invités.
    J’y demeurai trois jours, logé et nourri cette fois
proprement, sans rien comprendre de ce que l’on espérait de moi, ni quelle
décision je devais adopter. Après m’être morfondu dans l’attente le premier
jour, je passai les suivants à me promener dans Venusia.
    Je découvris qu’il y avait d’autres hôtes au palais, ainsi
qu’une ribambelle d’assistants. Tous m’évitaient, sous surveillance,
semblait-il, comme si j’avais été le vecteur d’une épidémie.
    Le quatrième matin, alors que j’allais sortir, un serviteur
me conduisit dans une salle tout ornée

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