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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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cité ? demanda-t-il avec respect au MaHaRaL.
    Notre Maître se montra d’abord sidéré par cette question. Il
souffla, incrédule :
    — Vous voulez faire de Golem un outil ?
    Le bourgmestre Maisel exposa les griefs qui s’élevaient
contre Golem.
    Le MaHaRaL abaissa à demi ses paupières et demeura d’abord
sans répondre. Puis une réplique siffla entre ses lèvres :
    — Golem leur offre une paix qu’ils n’ont jamais connue
et ils trouvent cela inutile ?
    — Il faut les comprendre, Haut Rabbi. Bien sûr, ils
sont reconnaissants à Golem de leur apporter la paix et la sécurité. Cependant,
il leur faut apprendre à vivre avec lui autant qu’avec la paix.
    — En faire un outil, c’est en faire un esclave. Dieu
m’épargne d’entendre ce qu’ils voudront en faire ensuite !
    — Si Golem nous aidait à construire un nouveau quai de
bois sur la Vltava, un port qui protégerait nos barques de commerce, ne
travaillerait-il pas à la paix et n’assurerait-il pas notre sécurité aussi bien
qu’en se battant ? L’Empereur nous serait reconnaissant du bon commerce
que nous tirerions d’un nouveau port. Prague n’en serait que plus riche, et lui
aussi. Ses caisses sont vides. On raconte qu’il ne parvient plus à payer les
travaux sur lesquels il s’est engagé, ni même les emplois qu’il a distribués
d’une main trop généreuse. Nous lui offririons une dîme qui ne nous coûterait
pas beaucoup mais qui le tirerait d’affaire. Autrement dit, il serait en dette
envers nous et se montrerait reconnaissant.
    Le MaHaRaL grinça :
    — Détrompe-toi, bourgmestre Maisel : un empereur
n’est jamais en dette envers un Juif et encore moins reconnaissant. Et faire de
Golem votre esclave, c’est un peu plus le faire à notre image. Qui peut savoir
où cela nous conduira ?
    À voir la mine du bourgmestre en quittant notre klaus, nous
crûmes que le MaHaRaL avait donné sa réponse, et qu’elle était négative.
    Pourtant, le lendemain, à notre grande surprise, notre
Maître fit savoir que Golem apporterait désormais son soutien aux travaux
ordonnés par Maisel.
    Ainsi assista-t-on à un nouveau spectacle extraordinaire.
Golem, debout dans la boue du fleuve, luttant contre un courant impuissant
contre sa force. À lui seul, dans cette partie marécageuse où la ville juive
jouxtait les eaux, il entreprit de construire des digues magnifiques contre les
crues redoutées de la Vltava, des pontons et des havres de transbordement que
pourraient atteindre les charrois les plus lourds sans s’enliser.
    Depuis longtemps Prague rêvait d’un pareil équipement, sans
jamais oser en entreprendre l’ouvrage, par crainte de ne pouvoir le mener à
bout.
    Bien sûr, jour après jour dans l’été resplendissant, la
cohorte des curieux s’étira sur les rives du fleuve afin d’assister à ce
nouveau prodige : Golem, gigantesque au milieu des flots, charriant les
troncs, creusant, bâtissant avec une aisance et une habileté qui ne pouvaient
révéler qu’une intelligence divine.
    Plus que jamais sa vue troublait. On ne pouvait s’empêcher
de l’admirer. Sa laideur, sa maladresse apparente se muaient en un pouvoir qui
subjuguait. Et quand, au détour d’une position, on voyait briller les quatre
lettres fichées sur son front, un frisson vous saisissait comme si le silence
de sa face sans bouche vous parlait avec une voix terrible.
    Longtemps je me suis demandé pourquoi le MaHaRaL avait
finalement accepté que Golem devienne notre outil. Au bourgmestre Maisel il
avait dit fort justement : « Faire de Golem votre esclave, c’est un
peu plus le faire à notre image. Qui peut savoir où cela nous
conduira ? »
    Comme toujours, notre Maître avait dès le premier instant
pressenti le danger et vu le chemin qui allait tout droit nous mener au
malheur.
    Aujourd’hui, qu’on me pardonne cette pensée qui n’amoindrit
en rien la gloire aveuglante de sa mémoire, je songe qu’il a peut-être commis
là l’unique faute de son existence.
    Car sans cette faute, lecteur, en ce siècle de maintenant,
tu verrais toi aussi, de tes yeux, ce prodige de Golem. Jamais ne serait arrivé
ce qui est advenu et qu’il me reste, hélas, à te raconter. Bien des paix
auraient remplacé des guerres et notre mémoire ne serait pas ce qu’elle est.
    Alors, pourquoi ?
    Peut-être à cause de la plus insigne faiblesse afin
d’obtenir un peu de tranquillité pour ses études et de silence pour notre
klaus.
    Car

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