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Le lacrima Christi

Le lacrima Christi

Titel: Le lacrima Christi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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propriétaire s'est battu aux côtés d'Henri V à Azincourt et a construit Ingoldby grâce à un coffre plein de rançons.
    — Alors il a dû en capturer, des Français ! plaisanta Colum en mettant pied à terre.
    — La guerre a ses avantages, souligna le clerc avec esprit. Il y a de belles galeries en chêne et le rez-de-chaussée est carrelé de pierre dure.
    Des valets en livrée se précipitèrent pour s'occuper de leurs chevaux. La grande porte s'ouvrit et Thurston, l'intendant, sortit, tout agité, les joues striées de larmes. Il semblait avoir l'esprit ailleurs et ne prêta aux instructions de Colum qu'une oreille distraite.

    — Voulez-vous des rafraîchissements ? Voulez- vous des rafraîchissements ? bafouilla-t-il. Ma maîtresse est dans sa chambre. Le choc, la violence et tout ce sang... !
    La jeune femme prit la main de Thurston ; elle était glacée.
    — Vous devriez vous-même prendre un peu de vin chaud, dit-elle d'un ton apaisant. Pourriez-vous nous conduire au labyrinthe à présent ?
    L'intendant leur fit faire le tour du manoir. Ils traversèrent un jardin bien entretenu orné de bancs de pierre, de treillis, de fontaines, de ruches et d'un pigeonnier. Il possédait un jardin de simples et un petit verger planté de pommiers, de tonnelles fleuries et de pavillons gaiement décorés, le tout ceint par une haute barrière d'osier. Ils passèrent par une grille latérale, suivirent un sentier et revinrent vers l'arrière de la demeure. Kathryn retint son souffle : un talus, divisé par un escalier en son centre, descendait en pente raide jusqu'à une immense prairie, vaste comme une place de marché et cernée d'arbres qui se détachaient sombrement contre le ciel mauve.
    — C'était sans doute le domaine, murmura Luberon. Le bien propre du seigneur.
    L'herbe de la prairie était luxuriante. Kathryn calcula que le pré devait s'étendre sur au moins un mile et peut-être un peu plus en largeur. Le dédale se trouvait au mitan. La jeune femme n'avait jamais rien vu de semblable. Il formait un carré vert foncé, de neuf pieds de haut, voire plus, et chaque haie était aussi large qu'une ruelle de la ville.

    — En tout, précisa le clerc, c'est un carré de quatre-vingt-dix yards de côté. L'architecte d'Ingoldby Hall l'a constitué de buis et d'aubépines.
    L'intendant proposa à nouveau des rafraîchissements mais Kathryn, fascinée par le spectacle, descendit les marches.
    Elle avait ouï parler de semblables dédales en Normandie où les chevaliers français qui ne pouvaient participer à la croisade à Jérusalem en faisaient construire et s'en servaient pour accomplir leurs vœux. Certains les parcouraient à genoux, vêtus de chemise de chanvre, la tête couverte de cendre et de poussière. D'autres restaient au centre pendant deux ou trois jours, vivant de pain sec et d'eau. Elle avait visité des labyrinthes de pierre mais ce n'était qu'enfantillage en comparaison de celui-ci.
    Elle s'avança dans l'herbe. Colum et Luberon se hâtèrent derrière elle. Un prêtre surgit à l'entrée du dédale. Il portait une simple robe bleu foncé, une étole violette autour du cou et un chapelet aux grains d'ivoire entrelacé entre ses doigts noueux. Son visage ridé avait un air las. Il demanda avec douceur aux serviteurs de s'écarter.
    — Je suis le père John, dit-il en cillant de ses yeux rougis et en tentant de raffermir sa voix. Le chapelain de Sir Walter.
    Il leva les yeux.
    — Il va bientôt faire sombre. Le corps est encore là. J'ai demandé que personne ne s'approche. Oh...
    Il se força à sourire.

    — ... vous devez être Maîtresse Swinbrooke et... ?
    L'apothicaire fit les présentations.
    — Venez, venez !
    Désireux de ne pas perdre de temps, le prêtre les introduisit dans le labyrinthe. Kathryn déglutit avec peine : elle redoutait un peu les endroits confinés et, bien qu'en cette chaude soirée d'août le soleil fût encore fort, une silencieuse menace couvait dans ces étroits tunnels et ces sentes resserrées. Elle tressaillait quand un oiseau s'élançait de temps à autre d'un des fourrés qui encadraient le passage. Elle s'arrêta pour poser la main sur la haie et se rendit compte à quel point les jardiniers qui avaient planté ce dédale avaient été habiles : en s'accroupissant, elle dut presque appuyer sa joue sur la terre pour apercevoir les racines.
    — Oh, oui ! dit le père John qui l'observait. L'homme qui l'a élaboré connaissait son métier. Les

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