Le lever du soleil
et blasonnent ma minuscule personne.
Louis lui envoya un sourire éblouissant, certainement appris bien avant, en appréciant celui d'un certain Cinq-Mars. Tiens, qu'était-il devenu, ce marquis insolent mais que son père aimait tant ?
La Porte se risqua aussi à sourire à son Roi. L'enfant ne s'en montra pas mécontent. Ignorant qu'il ne sourirait plus avant ses quatorze ans. Mais il apprit à ricaner.
Le jeune Brienne, son préféré des quinze de ses garçons d'honneur en velours noir, revint le visage grêlé. Louis le jugea affreux.
On les surprit souvent à chuchoter et Brienne, les larmes aux yeux.
Puis un sourire éclaira la mine à petits points du favori.
Ils inventèrent la chasse aux dames ! Dans les corridors mal éclairés au crépuscule du Palais royal, malgré les hautes fenêtres donnant sur le jardin ou les superbes couchers de soleil de Paris, Louis poussait Brienne à se cacher derrière les pots d'orangers, les tentures, et lorsqu'une suivante de la Reine, une dame d'hon-
neur quittait les appartements de sa maîtresse royale, il lançait Brienne contre elle, son visage grêlé cherchant à l'embrasser. La dame hurlait, les deux chenapans s'échappaient en courant. Ils notaient dans les carnets les noms de leurs victimes et le nombre de fois qu'elles avaient hurlé, ainsi que l'endroit o˘ Brienne avait pu poser ses lèvres.
Cela les troublait un peu également.
- Il me manque Marie de Hautefort pour parfaire le tableau, dit Brienne. Et Mme de Sénecey.
- Non, pas elles, dit Louis.
- Pourquoi ? Chasse gardée du Roi ?
Tu mérites les verges.
- Marie mérite la mienne.
Et ils pouffaient, même Louis tout en rougissant.
- J'ai baisé au sein Cathau la Borgnesse. Je vous les recommande, Majesté, fermes et ronds et parfumés. Mais elle, elle ne crie pas d'horreur... Elle n'a peur de rien.
- Ni de personne, dit-on dans cette Cour o˘ elle fit des heureux malgré son úil en moins. Arrache-lui son bandeau, Brienne, c'est pis que la trousser. Cette orbite est-elle vide ? L'úil est-il mort ou ôté ? Ce serait bien la seule cavité qu'elle cach‚t par pudeur. Enlevons-lui cette dernière.
- Je suis aux ordres de Sa Majesté.
Les deux jeunes loups ricanants se mirent en traque de Mme de Beauvais.
Cathau déniaiserait Louis bientôt ; il l'ignorait. Elle ne déniaiserait que le corps : Paris allait se charger de l'esprit.
Louis dans ses jeux fait le faraud, ne parle qu'à Brienne et Vivonne. Récite devant ses maîtres, sinon il se tait. Louis est en fait quasi muet, sauf quand on le déguise en roi pour quelque cérémonie. Muet, Louis est à l'école, il apprend quelque chose d'inconnu mais qui lui plaît. Le Roi apprend la haine. Il s'y montre doué.
Lansac et Brassac avaient été chassées. Il le regrettait, il les aurait tourmentées. Mais il avait d'autres cibles : Mazarin et, plus proche de lui, son frère. Le Grand Turc et le Petit Monsieur. Aussi un nouvel apparu dans les couloirs et antichambres du Palais royal, un être laid, presque autant que Fontrailles, que Louis aimait car il lui semblait que chaque bosse de ce marquis à qui sa mère avait tout pardonné, et dont elle riait, f˚t une réserve de fiel ou d'épines cruelles. Cet autre laideron était François Paul de Gondi, coadjuteur de l'évêque de Paris. Louis le surveillait à chacune de ses visites, de plus en plus fréquentes. De plus en plus bavardes.
Il haÔssait ce pruneau en soieries et dentelles, et qui le saluait sans donner l'impression de le reconnaître, de savoir qu'il était un être vivant, de chair, de sang, de pensées et non seulement un enfant représentant l'image de la Majesté.
quelque chose s'était brisé en Louis, sans que nul n'y songe‚t.
On ne lui avait rien fait, aucune maltraitance, aucune mauvaise action. Non, cela venait de lui. Au milieu des valets paresseux du ministre affairé de la Reine inquiète et mal à l'aise, Louis peu à
peu se sentait aussi transparent que ce marquis de Chouppes qui faisait sursauter tout le monde dès qu'il ouvrait la bouche, sauf Mazarin et Louis, car rien n'échappe à un regard d'enfant, car nul ne semblait avoir vu sa présence avant qu'il ne prononce ses premiers mots.
Il y avait des leçons d'invisibilité à prendre de ce marquis appartenant au maréchal de La Meilleraie. Etre invisible et omniprésent... Ricanement. Savoir enfin la vérité. Et non des bribes arrachées ça et là, l'oreille aux aguets, ou bien à Philippe, à qui
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