Le lever du soleil
caractère est là, et le coup de folie, qui donne la victoire, comme à Lens, comme à Rocroi.
Ce gamin était pataud, il lui semble benêt. C'est sa mère qui lui a tricoté le camouflet de ce ministère. Bien s˚r que ce n'est pas Louison. Trop enfant encore. La preuve, il fait fouetter son frère. Une bêtise de gamin.
Mais Condé hésite encore. Lui, se soumettre ! comme un vul-gaire Gaston !
Il a vaincu la fronde du Parlement. Il veut bander la sienne.
Sa súur vient le voir. Elle a quitté M. de Longueville, bien obligé de s'occuper de la Normandie. Elle vient entreprendre son frère, car Anne Geneviève veut la guerre et le pouvoir. Et sait que son frère hésite. Elle sait ce qui peut le décider ; il a trente ans, il est fou, il est génial, il est faible devant elle. Elle a deux ans de plus que lui, elle est belle, sensuelle, experte, impudique.
- Louis, allons à Bordeaux. La Guyenne est ton royaume, Louis II de Bourbon Condé. L'Espagne est à côté. Nous prendrons...
- Nous ne prendrons rien, le Roi est mon cousin.
- Le Roi n'est rien ! une apparence, un enfant étiré qui se prend pour le maître et n'est que capricieux. La Habsbourg en joue comme d'une marionnette, et la Habsbourg c'est le Mazarin.
Ils s'écrivent chaque jour. Il envoie ses ordres de Cologne, elle se prépare à son retour. Elle t'endort. Alors que tu as sauvé le Trône on te mortifie en dédaignant ton avis et nomme les ministres contraires à ta volonté. Es-tu encore un Condé ? Comme à Rocroi, frère mon amour, à Nordlingen ? à Lens ? devant Paris ?
- Anne Geneviève, ma súur. Il faut réfléchir.
Tu es aussi lent qu'on dit l'autre Louis l'être, celui qui trône, parade et danse ! Viens.
Il la regarde, baisse la tête. " Voilà qu'il me fait la mine de ses seize ans ", songe la pétroleuse.
- Viens, te dis-je, Condé, baiser ta súur comme tu aimes !
Il ne bouge pas.
- Louis chéri.
Il se lève.
Anne Geneviève le mène au lit. Il ne lui a jamais résisté.
Ici, en ce lieu, en ce lit, en cet après-midi, dans le même temps les sens du plus grand général que la France ait connu se réveillent et rallument la guerre civile. Le frère ne peut offrir grande résistance dans les bras d'Anne Geneviève de Longueville. Nul homme ne l'a pu.
La Reine veut le retour de Mazarin.
Il faut poursuivre Condé et sa súur, à Bourges puis en Guyenne ; Charles IV de Lorraine, nouveau prince pillard, comme aux temps barbares ravage l'Est ; on dénombrerait si l'on y pensait 60 000 mendiants dans Paris. On y attaque le carrosse de Mlle de Guise pour la détrousser et la trousser, le maréchal d'Ornano doit fuir à pied, on tue ses chevaux pour les manger.
Mazarin revient. Les mains pleines. Les petites boîtes de velours noir enfermant les diamants se sont délestées. Mais il amène avec lui 4 000 hommes, une armée modeste mais on peut en multiplier le nombre par dix, car à sa tête il a pu acheter le vicomte de Turenne, ancien général des rebelles qui commandera en chef contre l'ancien général du Roi, Condé.
Il rattrape le Roi et la Reine sur la route de Guyenne, le 30 janvier 1652, à Poitiers. Le Roi fait à son parrain l'honneur d'aller à
sa rencontre et de l'inviter en son logis.
Mazarin absent trop longtemps voulut voir ses comptes et Cantarini. N'avait-il pas offert une armée et un général à la France, et cela avait co˚té. On devait calculer et trouver des dédommagements.
Les nerfs de Cantarini avaient menacé de craquer mais M. Colbert veillait et tenait les livres de comptes dont Cantarini était ravi de se débarrasser, car si on les avait trouvés chez lui il était s˚r d'être pendu et sa maison br˚lée, dénoncé comme financier du bougre de Calabre et de ses voleries. Colbert ajusta les comptes en faveur de son maître et fut aidé en cela sur le plan jurique par M. le procureur général Nicolas Fouquet.
La Reine trouva 120 000 livres, mit au nom de son fils Philippe le régiment italien de Mazarin, et fit de ses vaisseaux corsaires des vaisseaux du Roi. Elle paya. Seul Fouquet, qu'elle chérissait pour ses inventions de magicien, sut avec quoi.
La Reine n'avait pas chômé et s'était gagné Gondi. Le chapeau de cardinal contre une accusation en bonne et due forme de Condé
pour crime de lèse-majesté. Gondi écrivit le réquisitoire, Fouquet l'aménagea.
On rentra à Paris qu'on quitta vite pour Saint-Germain, les armées de Condé renflouées d'Espagnols remontant au pas de
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