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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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discret. Il avait marié
    son ami Scarron au plus fort de la tourmente et avait apprécié ce moment de paix.
    Le mariage fut simple, un notaire, deux témoins puis la cérémonie religieuse célébrée par l'aumônier de l'hôtel de Troyes dans le petit oratoire particulier.
    Gondi se rappela que la nappe qui couvrait l'autel était un jupon de Mme de Fiesque, qui avait des bontés dans tout Paris, dont on distinguait sous ciboire et cierges les grandes fleurs de brocatelles jaunes. Un mariage du religieux et de la galanterie. Scarron oublia, trop heureux, d'en traire un sonnet.
    Désormais, Gondi voyait la Reine qui lui faisait bonne figure, le Roi qu'il trouvait trop silencieux et sévère pour avoir de l'esprit.
    Et, Mazarin parti, il se reprit à rêver.
    Il vit le Roi tenir un lit de justice, dans la grande galerie des Peintures, et écouta aussi peu qu'il voyait. Cela l'ennuyait. Simplement constatait-il que Sa Majesté, du moins sa mère pensait-il, amnistiait tous les Frondeurs à l'exception de Condé, Beaufort, Broussel, La Rochefoucauld ("Pauvre duc, pensa-t-il, il voit encore moins que moi puisqu'il ne voit rien "), et Rohan.
    Il ne prêta nulle attention au fait que le Roi décidait que le Parlement ne s'occuperait plus de finances ni d'autres affaires de l'Etat comme les relations avec l'étranger. François Paul avait la tête ailleurs : sous un chapeau rouge. La Reine avait accepté, le pape aussi, il était cardinal de Retz. La Reine lui avait proposé
    l'ambassade de Rome ; il préférait le trône archiépiscopal de Paris et le fauteuil de Mazarin. Il en rêvait encore.
    Il sortit du Louvre en pensant que ce lit de justice avait été fort ennuyeux. Irait-il chez Scarron ? Sa femme était jolie. Il vit dans la grande salle de bal qu'on dressait des tréteaux.
    - qu'est-ce là ?

    - Un thé‚tre, Monseigneur, que l'on construit.
    - Et pourquoi donc ? Corneille aurait-il encore usiné une de ses infernales et interminables tragédies ?
    - Non, M. de Benserade a écrit un ballet dit Ballet de la nuit.
    La musique est de M. de Cambefort.
    - Ah oui, un ballet bien s˚r. N'en est-on pas las ?
    - Sa Majesté en raffole et danse fort bien.
    - La Reine danse !
    - Le Roi, Monseigneur.
    - Bien s˚r, le Roi.
    Pour Gondi, " Sa Majesté " était une femme, ancienne infante espagnole, et non ce fils ingrat, silencieux, au regard de fourbe timide qu'on disait être roi de France.
    - Il dansera pour la NoÎl.
    - Fort bien, fort bien.
    Et Gondi quitta le Louvre en se demandant qui visiter depuis l'exil de ses amis et le départ à Port-Royal de Mme de Guéménée.
    Elle s'était trouvé une ‚me janséniste et faisait là-bas des escapades plutôt que des retraites. Il se moquait bien qu'elle y e˚t des amants chez les sévères théologiens du Grand Arnaud.
    Il frissonna dans l'air frais. Après tout c'était mieux de se faire oublier. Et, contre toute intelligence et la résolution qu'il venait de prendre à l'instant, il se rendit à l'hôtel de Chevreuse, si proche et si tentant.
    La duchesse avait de si beaux yeux et, croyait-il, un faible pour lui. Et puis il avait les prêches de l'Avent à préparer, et rien ne valait une jolie femme pour inspirer, même des textes pieux.
    Mme de Chevreuse portait une soie verte qui allumait encore l'émeraude de ses yeux. La gorge était toujours ravissante et l'allure celle d'une princesse de Rohan. Mme de Chevreuse n'avait recouvré ni près de la Reine ni de toute la Cour son ancienne position, ni la confiance qu'elle avait espérée. Elle et Gondi parlaient donc, de souvenirs plaisants, d'aimables farces, peu de la Fronde, beaucoup du passé et du succès en Cour.
    - Je n'y paraîtrai plus, Madame, dit le Cardinal tout neuf.
    - Et pourquoi donc ?
    - On m'y fait mauvaise figure.
    - Je n'ai pas non plus beaucoup de gr‚ces à y trouver.
    - Vous que la Reine appelait sa súur !
    - Cela est du passé mort. Le présent est terne et malade. Mais vous êtes d'avenir. On sait des choses.
    - Et que sait-on ?
    - que la Reine veut se raccommoder avec vous et donc avec l'archevêché, et, par ce siège, avec tout le clergé de Paris qui a tant souffert... et protesté. Vous en êtes une sorte de général.
    - Vous croyez que la Reine se trouve en ces dispositions ; mais le Roi ?
    - La Reine gouverne le Roi quoique ce jeune homme en pense. Et le Roi est trop entiché du ballet qu'il prépare pour s'inquiéter d'autre chose. N'oubliez pas qu'il n'a que quatorze ans et toute cette

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