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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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comme l'on fait aux coupeurs de bourses. Un carrosse attendait. Villequier monta avec son hôte, la voiture fut entourée de gardes et de gendarmes, roula vers la porte de la Conférence, la porte Saint-Antoine, et se dirigea vers Vincennes.
    Trois exempts attendaient le cardinal de Retz, qui vit que sa chambre dans le donjon n'était pas chauffée.
    - Mais il n'est pas de feu !
    - Le Roi manque de bois ! Comme en la nuit des Rois à Saint-Germain !
    LES EFFETS D'UNE COMPLEXION AMOUREUSE
    A son premier lit de justice tenu à quatre ans, Louis XIV avait reçu comme conseil du président du Parlement, M. Orner Talon, d'imiter en toute chose la mémoire de son grand-père Henri IV
    dit Le Grand.
    Il imita.
    Louis XIV touchait un ‚ge o˘ tout homme a besoin d'admirer.
    Il admirait avec tendresse sa mère, qui avait gouverné son royaume en des périodes o˘ bien des hommes s'étaient montrés faibles et versatiles, o˘ elle, une femme veuve et qu'on avait tenue loin des affaires, avait malgré quelques heurts tenu ferme les rênes du carroi afin qu'il ne verse pas, et il n'avait pas versé ; elle avait eu sous les yeux l'exemple anglais qui fut un temps la mort de la monarchie. Il avait eu sous les yeux, lui, la dissimulation ondoyante d'un Italien saisi par l'amour de la France, et il côtoyait assez ce Mazarin tant vilipendé, lui-même parlant à son sujet de Grand Turc et de Sardanapale, avant que de passer au plus affectueux nom de parrain, pour déguster à la fois ses victoires, celle de Rethel lui revenait bien que le peuple ne lui en fasse pas crédit, et la fin de la Fronde aussi, sur son coup de dés audacieux, faisant mine de se retirer, son nom attirant toutes les haines, afin de mieux revenir, et, on pourrait le dire, en gloire.
    Louis était d'un ‚ge aussi o˘ on a besoin de s'admirer soi-même, et d'affirmer sa présence autrement que par le titre de Roi.
    Il admirait avec satisfaction la manière qu'il avait eue de faire arrêter un cardinal en son propre palais par ce que l'on peut appeler un coup de thé‚tre, puis son dernier mot qui avait été le mot de code par lequel Villequier devait se saisir de Retz né Gondi, et le mener à Vincennes d'abord, avant qu'on l'expédie plus loin, à
    l'autre bout de la France.
    On le disait d'esprit lent, il savait qu'il prenait son temps pour réfléchir, et il prit celui de se pencher sur lui-même. Ce qui n'est pas mauvaise occupation ni suffisance quand on la pratique honnêtement. Et Louis se voulait honnête homme, comme les auteurs qualifiaient déjà l'homme idéal de son temps. Le Moyen Age avait eu le chevalier, la Renaissance l'humaniste, eh bien sous Louis XIV il ne détestait pas que l'honnête homme triomph‚t. Un homme ayant des connaissances dignes d'un humaniste, une morale digne d'un chevalier, une détermination dans l'action, une volonté dans la pensée qui ne dédaignait pas qu'on l'enseigne.
    Il remerciait d'ailleurs sa mère et son parrain d'avoir voulu que son éducation soit la plus concrète possible, en quelque sorte empirique, comme l'on disait en médecine ; et que seuls les faits avérés lui enseignent la compréhension de la vie.
    Louis se jugea sage. Il jugea aussi que son valet de chambre La Porte lui avait plus appris que son gouverneur M. de Villeroy, qui en remerciement de son inefficacité avait été fait duc. Et rougit que sa gouvernante Mme de Sénecey n'ait point eu, elle, un tabouret de duchesse. Sa mère certes la traitait comme telle, mais le brevet du titre ne lui avait pas été accordé. Il se rembrunit à cette pensée, car le remords est désagréable à tout souverain ; il avait vu la marquise, à laquelle il avait voué un amour d'enfant mais quasi charnel, occupée à soigner les yeux blessés de son cousin frondeur, le duc de La Rochefoucauld, qui avait perdu la vue après l'engagement du faubourg Saint-Antoine et la recouvrait.
    Là encore la leçon était tout empirique. Marie Catherine de La Rochefoucauld-Randan, marquise de Sénecey, aimée de Guitaut, le plus fidèle de ses officiers, et aimant celui-ci, trahissait-elle son Roi en soignant un de ses ennemis, ou bien, telle Antigone, soignait-elle cet ennemi qui était de sa propre famille au nom d'une morale qui transcendait les lois ? Louis se montra friand de ces débats intérieurs que Corneille, tant chéri par sa mère, et auquel elle avait donné un temps le gouvernement de Rouen car il avait été fidèle à la royauté pendant ces troubles

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