Le lever du soleil

lendemain de demain elles seront là. qu'elles n'ont pas d'‚me, que le pape n'y peut rien, ni le diable, ni les Rois. Et que mon esprit qui les observe bien mieux que mes yeux, que les calculs que j'en tire, et que discute M. le comte d'Achon, avec pertinence souvent, que tout esprit, le mien comme le vôtre, f˚t-il ou non mathématicien, est libre comme elles qui semblent pourtant enchaînées à des lois mathématiques qui les obligent chaque nuit à se retrouver dans les mêmes constellations. Les lois ne sont pas des carcans, monsieur La Porte, quand ces lois sont justes. Elles sont des garants. Nous sommes dans la constellation de la Bastille. Nous n'en pensons pas moins librement. Le temps que nous y avons passé n'est plus à endurer et nous rapproche du jour de notre liberté. J'entends celle de nos corps qui dépend d'un décret. Celle de notre esprit ne dépend que de nous.
    Vautier se tut, La Porte aussi.
    - C'est ici un merveilleux observatoire. Gr‚ce à vous, La Porte et au chevalier des Jars qui nous entretenez en nouvelles et gazettes, nous observons ces planètes errantes que sont nos très puissants seigneurs de la Cour, des armées, des évêchés. Jupiter peut entrer en Scorpion, aucune étoile, aucune partie du Ciel n'en bouge pour autant. Luynes fut une planète, il n'est que cendre.
    Richelieu, ce soleil rouge, nous a expédiés ici, il disparaîtra et nous luirons une nouvelle fois. Un Roi remplacera le Roi. Ce n'est point écrit dans les étoiles mais dans l'Histoire. On trouve toujours un Roi. Si ce n'est un fils ce sera un frère.
    - Ce sera un fils, monsieur Vautier. Remerciez-en votre Ciel étoilé.
    - qu'en savez-vous ?
    - La planète Vénus est passée ce matin et m'a fait un signe de la main.
    - La Reine ?
    - La Reine, monsieur Vautier. Peut-être est-ce pour cela aussi que les étoiles rient, de bonheur, et ne se moquent pas de nous.
    - De qui ?
    - Du Roi, du Cardinal, de Monsieur Gaston...
    - Voici un autre bienfait de la patience, monsieur La Porte.
    Mais si c'est une fille ?
    - Une fille ? pour quoi faire ? Eh bien vos étoiles se moque-ront de nous. Encore sept ou huit mois de votre sainte patience, monsieur Vautier.
    - Huit mois sont vite passés. Même ici. J'y suis depuis cinq ans et ne me plains pas de la compagnie.
    - Vous êtes gentilhomme, monsieur Vautier, en esprit.
    Ce que La Porte ignorait c'est que si M. Vautier e˚t tiré un horoscope des constellations, il lui e˚t découvert un avenir doré.
    La Porte serait le premier valet de chambre de ce Roi qui peinait tant à naître, Louis XIV, et verrait un de ses fils premier président du Parlement, et sa fille épouser un marquis.
    La main fine au mouchoir blanc n'avait pas menti.

    LE CHAPON DU PLUS BEAU CUL DE France
    La Reine reposait sans dormir. Elle dissimulait derrière cet apparent sommeil mille pensées qui l'assaillaient. Certes, autour d'elle, tout avait changé. Le Roi la visitait chaque jour, assez timide, rajeuni presque, elle esquissait un sourire, mais inquiet que tout cela soit mené à bonne fin.
    Tout cela était dans son ventre ; tout cela était encore un chéru-bin qui ne s'échapperait pas du chúur des anges avant septembre.
    Si tout se passait bien. Tout se passerait bien. Elle se le répétait, et sa fidèle dame de compagnie, la marquise de Sénecey, le lui rappelait chaque jour quand elle voyait le visage de sa souveraine et presque amie se refermer.
    - Tout se passera bien, Majesté.
    Mme de Sénecey était pieuse à la manière qu'Anne, très croyante elle aussi, aimait qu'on le soit : sincère mais non bigote.
    Mme de Sénecey devenait une amie. Mais elle ne remplaçait pas Marie, la jolie et mutine Marie de Hautefort, au cúur de Gasconne, à la langue en rapière, et si amusante. Elle remplaçait toutefois Chevreuse, la " súur " si aimée mais qui avait poussé
    Anne vers tant de sottises, que la Reine, désormais, se reprochait.
    Un souvenir la terrifiait que ne pouvait connaître Mme de Sénecey. Ce qui vivait dans son ventre avait failli naître. A l'automne 1622. Mais il avait disparu au printemps. Anne venait de passer ses vingt ans, le Roi guerroyait en Languedoc contre les protestants. Il était tard un soir d'avril et, le Roi absent, la Reine vivait à l'espagnole, la nuit. La reine était accompagnée de sa Chevrette, encore veuve du connétable de Luynes, le favori, mais que courtisait (et bien plus !) déjà le duc de Chevreuse ; elle était accompagnée aussi de la súur