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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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vérifier les faits par les
moyens les plus honnêtes et les plus loyaux  » ; l’usurpation des
pouvoirs royaux pour traduire le comte de Kent devant le Parlement et le faire
mettre à mort ; le détournement des sommes destinées à financer la guerre
de Gascogne, ainsi que des trente mille marcs d’argent versés par les Ecossais
en exécution du traité de paix ; la mainmise sur le Trésor royal de sorte
que le roi n’était plus en état de tenir son rang. Mortimer était accusé encore
d’avoir allumé la discorde entre le père du roi et la reine consort, «  étant
ainsi responsable du fait que la reine ne revint jamais à son seigneur pour
partager son lit, au grand déshonneur du roi et de tout le royaume  »,
et enfin d’avoir déshonoré la reine «  en se montrant auprès d’elle
comme son paramour notoire et avoué ».
    Mortimer, les yeux au plafond et se
caressant la barbe, souriait à nouveau ; c’était toute son histoire qu’on
lisait et qui, sous cette forme étrange, allait entrer à jamais dans les
archives du royaume.
    — … C’est pourquoi le roi
s’en est remis aux comtes, barons et autres, pour prononcer un juste jugement
contre ledit Roger Mortimer ; ce que les membres du Parlement, après
s’être concertés, ont admis, déclarant que toutes charges énumérées étaient
valables, notoires, connues de tout le peuple et particulièrement l’article
touchant la mort du roi au château de Berkeley. C’est pourquoi il est décidé
par eux que ledit Roger, traître et ennemi du roi et du royaume, sera traîné
sur la claie et puis pendu…
    Mortimer eut un léger sursaut. Donc,
ce ne serait pas le billot ? Jusqu’au bout il y avait de l’imprévu.
    — … et aussi que la
sentence sera sans appel ainsi que ledit Mortimer lui-même en a autrefois
décidé dans les procès des deux Despensers et du défunt Lord Edmond, comte de
Kent et oncle du roi.
    Le clerc avait terminé et roulait
les feuilles. Le comte de Norfolk, frère du comte de Kent, regardait Mortimer
dans les yeux. Qu’avait-il fait celui-là, qui s’était tenu bien coi ces
derniers mois, pour reparaître en affectant un air vengeur et justicier ?
À cause de ce regard, Mortimer eut envie de parler… oh ! brièvement… juste
pour dire au comte maréchal, et, à travers ce personnage, au roi, aux
conseillers, aux Lords, aux Communes, au clergé, au peuple tout entier :
    Quand il paraîtra au royaume
d’Angleterre un homme capable d’accomplir telles choses que vous venez
d’énumérer, vous vous soumettrez à lui derechef, tout également que vous me
fûtes soumis. Mais je ne crois pas qu’il naisse de sitôt… À présent il est
temps d’en finir. Est-ce maintenant que vous me conduisez ?
    Il semblait donner encore des ordres
et commander sa propre exécution.
    Oui, my Lord, dit le comte de
Norfolk, c’est à présent. Nous vous menons aux Common Gallows.
    Les Common Gallows, le gibet des
voleurs, des bandits, des faussaires, des vendeurs de filles, le gibet de la
crapule [19] …
    Bien, allons ! dit Mortimer.
    Mais auparavant, vous devez être
dépouillé, pour la claie.
    Fort bien, dépouillez-moi.
    On lui ôta ses vêtements, ne lui
laissant qu’une toile autour des reins. Il sortit ainsi, nu parmi cette escorte
chaudement vêtue, sous une petite pluie bruinante de novembre. Son haut corps
musclé faisait une tache claire parmi toutes les robes sombres des shérifs, et
les vêtements de fer de la garde.
    La claie était dans le Green,
construite de lattes rugueuses posées sur deux patins, et accrochée aux harnais
d’un cheval de trait.
    Mortimer conserva son sourire
méprisant pour regarder cet équipage. Que de soins, que d’application à l’humilier !
Il se coucha sans aide et on lui lia les poignets et les chevilles aux
traverses de bois ; puis le cheval se mit en marche et la claie commença
de glisser, d’abord doucement sur l’herbe du Green, puis en raclant le gravier
et les pierres du chemin.
    Le maréchal d’Angleterre, le
Lord-maire, les délégués du Parlement, le constable de la Tour,
suivaient ; une escorte de soldats, la pique sur l’épaule, ouvrait la
route et protégeait la marche.
    Le cortège sortit de la forteresse
par la Traitors Gate où une foule attendait, curieuse, houleuse, cruelle, qui
ne fit que grossir le long du chemin.
    Quand on a généralement considéré
les multitudes du haut d’un cheval ou d’une estrade, c’est une

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