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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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yeux brûlants de larmes :
    – Plutôt mourir sous la torture des Turcs que sous celle, mille fois plus terrible, de l’attente, à trembler chaque jour pour mon roi.
    – Je ne saurais supporter l’idée que l’on vous fasse souffrir, murmura le roi en passant un doigt dans une mèche blonde qui descendait le long de la tresse de la belle.
    – Alors, ne m’imposez pas de vivre loin de vous, car je n’y survivrai pas.
    Les lèvres de Louis frémirent et se perdirent dans celles de la jeune femme. Poussé par son amour et la douceur de l’aveu, Louis n’avait pu résister et enlaçait avec tendresse son icône de chair.
    Ils s’embrassèrent longtemps, puis ils s’assirent sur le banc, et Béatrice laissa tomber sa tête sur l’épaule du roi. Il se sentait en paix.
    Béatrice murmura d’une voix tranquille :
    – Je vous aime, Louis.
    Il ne répondit pas, tant l’évidence de ses propres sentiments lui apparaissait. Il glissa une main autour des épaules de la jeune femme, puis ils se gorgèrent en silence de cet instant privilégié dont ils savaient l’un et l’autre qu’il ne se produirait plus.
     
    – Je les ai vus, Loanna, comme je vous vois, enlacés de concert sous le gros pommier.
    Sibylle de Flandres n’y tenait plus d’excitation. Elle me racontait pour la quatrième fois son périple. Elle se promenait paisiblement dans le verger, cherchant quelque douceur à ce soleil de septembre 1146, et avait entendu des bruits de voix. Curieuse, elle s’était demandé qui se cachait au banc des amoureux et avait surpris le tendre échange.
    – Quel était donc ce beau galant que vous attendiez vous-même ?
    La question la fit rougir.
    – Est-ce bien le propos ? minauda-t-elle, puis, suivant le fil de son idée : Vous rendez-vous compte ? Et la reine qui pensait qu’il ne songeait qu’aux prières.
    – Tout le monde a ses faiblesses, Sibylle, me moquai-je.
    Il était notoire à la cour que celles de la comtesse de Flandres étaient les jeunes seigneurs pubères aux traits efféminés.
    – Certes, certes ! Mais Béatrice de Campan ! C’est curieux, voyez-vous, je les imagine sans peine récitant quelques chapelets avant leur communion, plaisanta-t-elle.
    J’en conclus que, sous peu, tout le palais apprendrait l’infidélité du roi par la bouche de cette pipelette. Or, Louis ne supporterait pas que l’on jase et joue de mots sur sa conduite, ce qui ne manquerait pas ; Béatrice serait éloignée et le roi malheureux.
    Pour rien au monde, je ne souhaitais cela. Plus le roi passerait de temps avec elle, moins elle en aurait pour ses manigances. Je soupirai.
    – Avez-vous soufflé mot à quiconque de ce que vous avez vu ?
    – Évidemment non, repartit Sibylle en haussant les épaules, navrée. Vous êtes la première que j’ai rencontrée, gloussa-t-elle, sous-entendant qu’elle comptait remédier à cela au plus tôt.
    Je souris et la saisis aux coudes, m’approchant comme pour une confidence. Elle ne se méfia pas :
    – Eh bien, vous allez tout oublier. Sylgram Louldris Divyl…
    Pendant quelques secondes, le regard de Sibylle ressembla à celui d’un bovin, puis une lueur s’y ranima, je la lâchai.
    – De quoi parlions-nous déjà ? demanda-t-elle en portant un doigt à sa tempe.
    – De ce galant que vous avez attendu sous le grand pommier et qui n’est pas venu, répondis-je, sans me départir de mon naturel.
    – C’est cela en effet.
    Elle marqua un temps d’arrêt, fouillant sa mémoire vide, puis éclata d’un rire gai :
    – Peste soit-il ! Je l’ai déjà oublié !

16
     
     
    – Pardonnez-moi, mon seigneur…
    Jaufré se détourna avec surprise. Il ne voulait voir personne depuis quelques mois et ne trouvait son content que dans la contemplation du portrait qu’avait réalisé de mémoire Gabriel de Plassac, un jeune peintre talentueux qu’il avait envoyé à Bordeaux lors du dernier séjour d’Aliénor.
    Son intendant avait des ordres pour qu’il ne soit pas dérangé pendant qu’il passait ses journées en bordure de la falaise, les pieds battant le vide, sa mandore couchée près de lui dans l’herbe tendre.
    Devant lui se tenait un jeune garçon qu’il ne connaissait pas et qui chiffonnait son chapeau de ses mains tremblantes. Jaufré hésita entre la colère qu’il sentait sourdre au fond de lui et la fatalité de cette situation qui le prenait au dépourvu.
    – Pardonnez-moi, mon seigneur, insista la petite voix

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