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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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barbare. Certaines même se pâmaient et poussaient des cris de terreur. Il m’était alors facile de leur rappeler qu’elles n’allaient pas en voyage d’agrément et qu’une seule erreur leur coûterait la vie, à moins qu’elles ne finissent violées et torturées, abandonnées ensuite dans quelque harem. Elles se mettaient à trembler, mais, le matin venu, s’inquiétaient davantage du physique superbe de Denys que des lointains Turcs.
    Dès lors, je décidai qu’elles ne s’entraîneraient plus avec des épées de bois, mais avec de véritables lames et revêtues d’une cotte de mailles. Nombre d’entre elles eurent du mal à soulever de terre la lourde épée, suppliant Denys de se placer derrière elles pour les aider. Autant dire que les premières minutes furent enjouées. Toutefois, au bout d’une matinée d’entraînement, elles ne songeaient plus à jouer du cil, épuisées par l’effort. Et nous échangeâmes un regard complice avec Denys.
    Cela faisait deux mois maintenant qu’elles suivaient un exercice régulier, et ces mesures commençaient à donner leurs fruits. Leurs muscles endurcis permettaient à présent l’apprentissage des rudiments guerriers, et ces dames perdaient peu à peu leur féminité outrancière au profit de râles et de cris dès qu’elles fonçaient, épée au-dessus de la tête, sur les quintaines accrochées par des filins aux poutres ou aux branches.
    Ce jourd’hui était d’une autre facture. Denys nous montrait les rudiments du combat au presque corps à corps. J’avais passé une partie de la soirée, la veille, à répéter les gestes d’esquive et de feinte avec Denys, pour lui servir d’assistante, et j’étais plutôt fière du résultat. Après quelques démonstrations au cours desquelles il commenta chacun de ses gestes, je vins lui faire face, et notre prestation fut hautement applaudie.
    – Nous donnerez-vous quelque protection, Denys ? demanda Sibylle de Flandres, que le contact du métal inquiétait.
    – Point, damoiselle. Votre haubert est suffisant pour éviter toute blessure mortelle. Nous allons voir si mes leçons ont porté leurs fruits. Il vous restera bien assez de temps pour vous raccommoder avant le grand départ, ajouta-t-il avec humour.
    Un frisson parcourut l’échine de ces dames. Aucune d’elles n’avait seulement envisagé la possibilité d’être blessée, pas plus au combat qu’à l’entraînement.
    Denys saisit un panier que nous avions préparé à l’avance, dans lequel nous avions plié des morceaux de parchemin où se trouvaient inscrits les noms des « guerrières ».
    Le sort désignerait ainsi les face à face. Lorsque Béatrice de Campan me nomma, je ne m’en inquiétai pas ; depuis qu’elle s’occupait du roi, sa rancœur me laissait tranquille. Mais, quand elle vint se placer devant moi, son regard accusait une lueur cruelle, qui transfigurait son allure de madone en un masque de gargouille.
    Elle siffla :
    – L’heure est venue de régler nos comptes, j’ai en mémoire quelque soufflet dont vous me devez réparation.
    – En garde, damoiselles. Pour l’honneur ! lança Denys.
    Béatrice se rua sans attendre, l’épée dressée dans un râle vengeur, et, si je n’avais été aussi agile, j’aurais été surprise par sa violence. Mon échappatoire ne l’émut pas. Elle chargea de nouveau, et l’idée me vint que sa haine l’épuiserait bien avant ma patience. Je la laissai donc se jeter sur moi à plusieurs reprises, me contentant d’esquiver d’un mouvement de jambes ou de buste ses attaques. Lorsqu’elle comprit ma tactique, elle poussa un grognement d’animal et chercha à croiser le fer.
    Cela ne m’effraya pas. J’avais suffisamment d’entraînement pour parer ses coups. Nos lames se cherchèrent, puis s’entrechoquèrent avec un bruit métallique. La puissance du choc me désarçonna un instant, au point que mes poignets eurent du mal à l’encaisser. Béatrice était devenue laide, déformée par une haine implacable qui décuplait sa force.
    J’aperçus Denys qui se tenait prêt à intervenir, mais le rassurai d’un regard ; je me sentais de taille à moucher cette prétentieuse.
    Tandis que nos comparses baissaient peu à peu leur garde pour nous suivre des yeux, effarées de la violence de notre escarmouche, Béatrice continuait à me taquiner de sa lame tout en me faisant reculer vers les tribunes. Je frappais désormais aussi fort qu’elle et je la sentais

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