Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
dissuasif, devant les mines étonnées des marins tandis que ses compagnons ouvraient la porte et pénétraient dans la pièce. Les gardes du basileus eurent à peine le temps de dégainer leurs armes que déjà les Français étaient sur eux. Mon cœur bondit à la vue de Jaufré qui faisait tournoyer son épée tout en me cherchant du regard. Je frappai de toutes mes forces contre la pierre, hurlant ma présence dans la meurtrière. Soudain, le passage pivota et je me retrouvai dans la bataille.
    Denys était aux prises avec l’homme qui m’avait apostrophée précédemment et semblait commander la petite troupe. Les éclats métalliques des lames qui se frottaient avec violence projetaient des étincelles, quand il m’aperçut enfin. Tout en esquivant un coup habilement porté à son flanc, il hurla à l’attention de Jaufré :
    – Emmène-la ! Vite !
    Bertrand de Monfaucon nous fit un rempart de sa lame. Il restait quatre hommes sur les sept que j’avais pu compter dans la pièce, mais tous se battaient avec acharnement. Me laisser partir signait leur arrêt de mort par la main de leur maître, aussi déployaient-ils toute leur énergie pour s’assurer la victoire.
    – Viens ! cria Jaufré, et ensemble nous pénétrâmes dans la taverne.
    Les marins s’étaient levés et certains avaient sorti coutelas et poignards courbes. D’autres avaient brisé des bouteilles et présentaient leurs tessons en guise d’arme. Ils étaient peu nombreux, six à peine, mais avaient l’expérience des mers où constamment ils devaient défendre leurs navires contre les pillages. Ces hommes savaient se battre. Pour l’heure, ils entouraient Uc qui, avec son air sauvage et son épée massive, les empêchait d’avancer.
    – Nous n’en sortirons pas, grogna Jaufré.
    Leur haine des Francs et cette tension qui montait depuis notre arrivée dans la ville trouvaient dans cet affrontement une raison de vengeance, même s’ils en ignoraient le fondement.
    Uc appela à la rescousse et aussitôt Bertrand de Monfaucon s’annonça, qui fonça au milieu du rempart humain en hurlant :
    – Que Dieu reconnaisse les siens !
    Tandis que tous deux mataient les marins, j’avisai un passage entre les belligérants. Dessinant de toute la force de ma pensée une aura protectrice sur nous, j’entraînai Jaufré vers l’extérieur.
    – Fuyons ! me lança celui-ci en déboulant sur le quai.
    Je courais derrière lui jusqu’à la rue suivante, quand un frisson me glaça l’échine, figeant mon pas :
    – Que se passe-t-il ? interrogea Jaufré en s’arrêtant à son tour.
    – Denys, gémis-je, les larmes aux yeux.
    J’esquissai un mouvement pour revenir en arrière, mais Jaufré me retint :
    – Non, ce serait folie ! D’ailleurs, les voici.
    Trois hommes accouraient en effet vers nous, et je devinai une forme sombre sur l’épaule massive de Geoffroi de Rançon. Mes jambes se mirent à trembler.
    – Pressons, implora Jaufré, il faut nous cacher !
    Mais je ne pouvais bouger. J’étais pétrifiée par cette douleur qui me prenait le flanc.
    Bertrand de Monfaucon arriva le premier. Il était pâle. Il murmura :
    – C’est Denys.
    Mais je savais déjà. Geoffroi de Rançon s’avança à son tour et déposa son fardeau à mes pieds. Je tombai à terre pour amener délicatement sur mes genoux sa belle tête si blanche soudain dans l’écarlate du sang. Un silence de mort succédait à la folle cavalcade. Denys haletait, les yeux fermés. Son crâne avait explosé sous l’arme de son adversaire. Un instant d’inattention à regarder en arrière pour surveiller ma fuite et c’était à présent lui qui fuyait, l’âme détachée de tout.
    J’éclatai en sanglots. Avec une rage dont jamais je ne me serais crue capable, je secouai son corps inerte :
    – Non, tu ne peux pas m’abandonner ! Tu n’as pas le droit, pas encore ! Je t’en prie ! Mère, hurlai-je dans le vent qui se levait, épargne-le ! Merlin, aide-moi !
    Mais rien ne répondit à mes larmes. Les hommes n’osaient plus prononcer un mot, pourtant Jaufré me prit par les épaules et chuchota :
    – Tu ne peux rien à présent. Il faut partir. Je t’en prie.
    Je serrai dans mes bras avec toute la force de cette vie que l’on m’avait transmise celui qui ne me protégerait plus tandis que son souffle se saccadait. Il ouvrit les yeux, et je perçus sur ses traits l’ébauche d’un sourire. Je me penchai vers son souffle et

Weitere Kostenlose Bücher