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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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peu pour satisfaire la faim et la soif. Conrad avait donc rebroussé chemin avec ses troupes exténuées et affamées. Il se préparait à interrompre la croisade. De la prétendue victoire annoncée par Comnène, il n’y avait trace. S’il fallait une preuve encore de sa connivence avec les Turcs, on l’eut avec ce spectacle affligeant.
    Louis s’empressa de réunir son conseil. Je suggérai à Aliénor d’y participer et de proposer un itinéraire plus long mais qui nous garantissait des fourberies du basileus. On passerait par Pergame pour ensuite atteindre Ephèse, Laodicée et le port d’Adalia. De la sorte, on éviterait ces gorges désertiques où l’armée de Conrad avait laissé sa bannière. C’était une sage décision, d’autant plus que, vu le nombre de nos bagages, il ne fallait pas songer à disperser les troupes sur une trop grande longueur. On cheminerait désormais le plus près possible les uns des autres, en rangs serrés, ce qui permettrait d’offrir plus de résistance à l’ennemi. Louis s’étonna un instant de la stratégie de son épouse, puis, jugeant qu’elle était empreinte de bon sens, l’approuva, aussitôt suivi par la majorité du conseil. Ainsi fut fait. Au mieux de mes intérêts, car, sans le savoir, Louis signait avec cet accord son arrêt de mort.
    Le comte de Maurienne et Geoffroi de Rançon eurent en charge l’avant-garde, dans laquelle nous nous trouvions avec la reine quelques dames, et les troubadours. Et, ainsi que ma vision l’avait annoncé, nous nous avançâmes vers les gorges de Pisidie, près du mont Cadmos. Nous les atteignîmes ce jour de l’Epiphanie 1148. Louis surveillait l’arrière-garde, et ordre fut donné de redoubler de vigilance. On s’apprêtait à passer dans d’étroits défilés où à tout moment les Turcs pouvaient nous attendre. Si Manuel tenait son pacte, avant la lune nouvelle Louis ne serait plus.
    Geoffroi de Rançon guida son palefroi près du mien. Depuis la mort de Denys, il était proche de moi. J’ignorais ce qu’avait pu lui dire mon ami avant de mourir, mais c’était comme s’il se sentait en devoir de me protéger, et il ne se passait pas un jour qu’il ne vienne prendre de mes nouvelles. Je savais pouvoir désormais compter sur lui. Je profitai de l’aubaine pour suggérer :
    – Nous ne devrions pas nous attarder dans ces gorges. Franchissons-les avec la reine avant que la nuit nous prenne. Les Turcs ne se méfieront pas. Us ne sont pas prêts à nous voir partir de levant à bride abattue. Il faut mettre Aliénor en sûreté.
    Il eut un sourire complice, puis murmura afin que seule je puisse l’entendre :
    – Pourquoi donc pensiez-vous que j’aie demandé ce commandement, lorsque j’ai su notre itinéraire ?
    Je lui lançai un regard surpris. Il ajouta :
    – Denys n’aurait pas voulu que vous ne teniez point vos engagements, et une reine suffit à l’Aquitaine.
    Sur ce, il talonna sa monture et lança le mot d’ordre. Moins d’une heure plus tard, notre groupe s’élançait au grand galop dans les gorges au risque de briser les jambes des chevaux, amputant d’une grosse partie de ses hommes l’armée royale. Avisant cela, alors qu’il n’était prévu de franchir le défilé que le lendemain, Louis s’empourpra. D’autant plus que, déboussolé par notre initiative et ralenti par les bagages, le gros de la troupe pensa qu’il fallait suivre et s’avança à son tour.
    En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il fut cerné d’une horde de Turcs et pris sous une pluie de flèches sans pouvoir seulement adopter une position de repli. Les dames hurlèrent de terreur, et je pris un plaisir malsain à regarder en arrière tandis que nous sortions du défilé sains et saufs. Dans ce groupe assailli se trouvait Béatrice qui, souffrante depuis deux jours, voyageait dans l’un des chariots. Louis ne manquerait pas de venir à son secours et là…
    J’avais payé assez cher le prix de sa mort et de ma trahison. Ainsi je serais libre.
     
    – Il faut retourner en arrière ! Il est arrivé quelque chose, je le sens !
    Aliénor s’insurgeait à l’encontre de son commandement. L’aube pointait dans un ciel clair. Des vautours tournoyaient au-dessus des gorges que nous avions quittées, jetant des cris stridents dans un ciel de flammes. Nous étions seuls, isolés du reste de l’armée. Geoffroi de Rançon donna l’ordre de faire demi-tour. J’avais hâte de constater de mes

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