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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Toutefois, il ne m’interrompit pas. Il s’était à demi assis sur le bureau ouvragé. Son opulente tignasse rousse que j’avais eu tant de mal à coiffer autrefois lui faisait une crinière de feu qui se perdait dans une barbe épaisse et bouclée. Il ressemblait à un lion, prêt à bondir sur sa proie. Bien qu’il lui fût pénible de concevoir que sa plus fidèle alliée fût celle qui l’incitait à faire allégeance, il n’en montra rien.
    – Le temps n’est pas encore venu, je vous l’affirme, messire. Ne risquez pas la guerre avec la France quand vous n’avez pas toutes les cartes en main. Louis souhaite une entrevue. Donnez-la-lui. Ainsi vous rencontrerez Aliénor et nous serons à même de lui proposer une vengeance qui la ronge.
    – Je vous entends bien, mon amie. Mais cet idiot de Louis m’exaspère. Je ne peux m’incliner devant lui.
    – Vous lui devez allégeance, Henri !
    – Je ne lui dois rien du tout ! Avant longtemps je reprendrai ce qui est mien ! L’Angleterre et l’Aquitaine ! Et souffletterai ce morveux d’un revers de main !
    – Vous êtes aussi entêté qu’autrefois, grognai-je, attendrie l’espace d’un instant. A quoi vous servira cet entêtement si Louis lâche ses chiens sur vous ?
    – J’ai de quoi me défendre !
    – Sornettes ! A l’heure actuelle, il est bien plus puissant que vous. Vous le savez pertinemment. Davantage encore si l’armée d’Étienne de Blois le seconde. Et soyez certain qu’il le fera. Il faudra peu de temps avant que ce soit lui qui vous mouche tel un morveux.
    – Et vous, Loanna, dans quel camp êtes-vous ?
    – Le vôtre, messire, vous ne pouvez en douter.
    – Alors prouvez-le.
    Il se leva d’un bond et m’enlaça brutalement.
    – Je suis fou de toi, Loanna, cela fait si longtemps que j’attends ce moment.
    Mais sa hardiesse décupla ma volonté et ma rage. Il avait beau me dépasser de trois têtes, je savais encore me défendre.
    – Lâchez-moi, Henri ! Vous n’obtiendrez rien de moi ainsi ! Je ne vous aime pas !
    Mais, aveuglé par son désir, il me plaqua contre le bureau et dégrafa d’un geste vif les lacets de mon corsage. Je n’aurais pu lui résister s’il n’avait commis une erreur, celle de ne pas bloquer mes jambes. D’un mouvement brutal, je redressai mon genou entre ses cuisses, meurtrissant méchamment ses attributs virils. Il hurla de douleur et lâcha prise. Promptement, je rajustai mon corsage et ma chevelure tressée d’où quelques mèches s’étaient échappées.
    – Voyons, Henri, lui lançai-je d’une voix assurée et amicale malgré tout, il vous faut cesser ces enfantillages. Avant longtemps vous serez pour l’Angleterre le lion que l’on espère et, en monarque juste et véritable, vous devrez apprendre à modérer ces instincts primaires. Vous m’êtes comme un frère, et je vous aime comme tel. Je serai à vos côtés la plus fidèle, la plus dévouée et la plus soumise de vos servantes, mais jamais, entendez-vous, jamais je ne tolérerai que vous me voliez l’affection que j’ai pour vous en m’humiliant comme n’importe laquelle de vos catins !
    – C’est bon, grommela-t-il, sous l’emprise encore d’une douleur qui défigurait ses traits. Mais n’osez plus jamais lever sur moi pareil châtiment ou je jure devant Dieu que je vous fais décapiter sur l’heure !
    – Pour l’amour de ce Dieu, Henri, cessez de prendre d’assaut les femmes. Vous n’obtiendrez d’elles que rancœur et soumission, quand il n’est de plus merveilleux présent que l’art d’aimer.
    – Que m’importent vos conseils ! rugit-il. J’ai déjà quatre bâtards qui prouvent bien qu’il suffit amplement de satisfaire ses pulsions pour engendrer.
    Pauvre Aliénor, pensai-je, de la confiture à un cochon, voilà ce que j’allais donner à Henri en toute complicité. Louis était un amant de missel, et Henri une brute viscérale, que valait-il mieux à un sang jeune et avide de caresses ?
    La réponse me vint sans détour lorsque s’annonça un de ces hommes qui marquent une vie, et dont la vue me remplit de joie. Bernard de Ventadour, me sachant dans les murs, était venu mander à son hôte le plaisir de prendre des nouvelles de la reine et de la cour de France.
    – Bernard ! m’écriai-je en lui prenant les mains. Voilà si longtemps, que vous voir m’est transport d’allégresse !
    – Mon seigneur, ma dame, nous salua-t-il courtoisement.
    Il était

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