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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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porter le voile ! Et père qui s’entête ! Je ne comprends pas.
    – Tu saignes.
    Une écharde avait déchiré un lambeau de peau sur le plat de son poing. Je saisis délicatement sa main et, portant la blessure à mes lèvres, demandai d’une voix enjôleuse sans lâcher ses prunelles :
    – Même si je t’accompagne ?
    Son regard se troubla. Elle regardait avec un plaisir étrange mon baiser sur sa blessure, et je sentis combien il était facile de me l’attacher.
    – Pourquoi le ferais-tu ? hasarda-t-elle.
    Je retirai ma bouche et lui souris, moqueuse.
    – Pour que tu ne perdes pas l’amour du pouvoir au profit de celui de Dieu !
    Son rire se heurta de nouveau à la voûte végétale. Elle retira sa main de la mienne et me lança un regard de connivence. Mon jeu lui plaisait.
    – Crois-tu que je sois un démon comme le disait Raymond ?
    – Sans aucun doute. Toutefois, il a les traits d’un oiseau, peut-être un de ces aigles dont tu me parles et qui semblent s’enivrer d’espace et de hauts sommets pour mieux décrocher les étoiles.
    – Un aigle ! Voilà qui me plaît mieux.
    Elle s’étira, féline, puis enchaîna :
    – Tu as de belles images pour parler des choses et des êtres, il ne te manque que la musique pour les chanter.
    À mon tour, je ne pus m’empêcher de rire :
    – Une femme troubadour ? Ce ne serait pas sérieux, voyons !
    – Pourquoi ? Mon grand-père serait fier, je crois, si j’étais capable de me jouer comme lui des vers et des harmoniques.
    – Mais il condamnerait pareille attitude. Une femme doit fredonner et se bercer de poésie, parfois jouer de la harpe au coin du feu, mais sûrement pas chanter l’amour de ville en ville !
    Aliénor haussa les épaules.
    – Qui parle d’amour ? Je parle de liberté et de pouvoir.
    – Aucun troubadour ne chante cela, rétorquai-je.
    – C’est bien dommage !… Enfin !
    Elle soupira profondément.
    – Ils vont me manquer dans cette prison austère. Même si tu m’accompagnes.
    Elle marqua une hésitation, me regardant dénouer ma tresse avec insistance.
    – Le feras-tu vraiment ?
    Je la rassurai d’un « oui » franc. Elle éparpilla mes cheveux libérés sur mes épaules avec lenteur. L’ombre s’était accentuée sous la voûte, sans doute à cause du jour qui décroissait. J’avais peine à distinguer son regard, mais perçus néanmoins son souffle qui devenait irrégulier.
    – M’aimes-tu un peu, Loanna ?
    La question n’était pas innocente. Je sentais au creux de mes reins brûler une chaleur inaccoutumée que j’attribuai sans hésitation à la caresse de sa main sur ma nuque au travers de ma chevelure. Je pensai l’espace d’un instant que j’étais responsable de ce jeu pour l’avoir provoqué. J’aurais dû me douter que ma compagne trouverait le moyen de le retourner à son avantage. Je répondis évasivement, contrôlant autant qu’il m’était possible ces sensations inhabituelles.
    – Oui, sans doute.
    – Ce n’est pas la seule raison, n’est-ce pas ? Pourquoi sacrifierais-tu ta jeunesse et ta beauté dans ce couvent quand rien ne t’y contraint ?
    – Va savoir ! lançai-je par défi, cherchant l’éclat de ses prunelles dans l’obscurité.
    Elle passa délicatement un doigt sur mes lèvres.
    – Dis-moi, murmura-t-elle dans un souffle.
    Je ne répondis pas. J’avais promis de garder le secret des fiançailles jusqu’au retour du duc. Celui-ci partait dans quelques jours.
    Aliénor avait pour habitude d’obtenir de lui tout ce qu’elle désirait et plus encore depuis la disparition de sa mère. Toutefois, il ne revenait pas sur sa décision de la confier à Fontevrault et la jeune louve pressentait là plus qu’un entêtement de vieil homme rongé par la solitude.
    – Dis-moi, répéta-t-elle en approchant son visage du mien.
    Malgré la douceur de la caresse, je détournai la tête.
    – Je n’ai rien à te dire de plus, Aliénor. Il ne t’est pas nécessaire d’user de ce jeu ridicule avec moi. Je ne suis point Raymond.
    Ma voix se voulait affirmée, elle ne résonna à mes tympans que pour mieux me convaincre du désir que j’avais de sa bouche sur la mienne. Elle le perçut et s’en troubla davantage.
    – Que m’importe Raymond ! Les jeux de l’amour ont mille facettes. Ne veux-tu point que je t’apprenne ?
    Mon sang cogna à mes tempes. Comment se pouvait-il que je me sente vulnérable, alors que les enseignements de

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