Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
l’Aquitaine serait une grâce qui permettrait à son âme de s’élever en paix vers Dieu.
    – Bien, bien. Qu’en pense mon fidèle conseiller ?
    Le roi se tourna vers Suger, ainsi qu’il en avait l’habitude. Plus que jamais il ressentait le besoin d’être conforté dans ses positions, tant il craignait que sa maladie n’affaiblisse son esprit. Suger, debout à sa gauche, droit comme un if, mains jointes sur sa robe en un geste de recueillement, marqua un temps d’hésitation protocolaire, puis affirma :
    – Notre-Seigneur tout-puissant ne peut que bénir une union de cette nature. Aliénor d’Aquitaine fera, je le crois, une épouse à même de porter la charge d’un Etat, capable de seconder son époux en tous lieux et temps. L’Eglise consent.
    Louis poussa un soupir soulagé. Puisque Suger approuvait, il aurait tort de refuser cette occasion de marier son benêt de fils à damoiselle aussi intelligente et bien constituée. Il se leva lourdement, n’en pouvant plus de retenir ses selles liquéfiées.
    – Prenez le repos dont vous aurez besoin, messires, puis allez porter nos condoléances et notre résolution en Aquitaine. L’abbé Suger vous y accompagnera pour célébrer la mémoire de notre défunt ami et sujet. Les fiançailles seront rendues publiques sitôt que notre filleule en sera informée. Allez à présent, votre roi est fort las et peiné.
    Satisfaits, les barons se retirèrent et se rendirent dans la chapelle pour s’y recueillir. Anselme le sournois s’éclipsa discrètement et se fit conduire dans le cabinet secret de Suger. Là, le saint homme lui remit la récompense promise, ainsi que l’absolution pour ce qui n’était somme toute qu’une mission divine.
    Quelques instants plus tard, après avoir salué les compagnons de Guillaume afin de n’attirer aucun soupçon, il quitta Béthisy pour rejoindre Étienne de Blois et lui faire son rapport.
    – Je me refuse à épouser cette femme !
    Louis le Jeune était dans tous ses états. Il tournait en rond, tremblant comme une feuille dans sa longue bure de lin, l’esprit troublé par des images démoniaques.
    – Apaisez-vous, mon fils, il y va de l’avenir du royaume, et Dieu Lui-même vous demande ce sacrifice.
    – Mais enfin, père, c’est contraire à mes aspirations, on ne peut à la fois posséder une âme de prêtre et d’époux.
    Le roi de France sentit la colère le gagner en même tant que la colique dans son ventre. Il répugnait à laisser le royaume entre ces mains féminines, quand il aurait dû être tenu par la poigne et l’esprit ferme de son aîné, tragiquement mort dans un accident quelques années plus tôt.
    « Louis ne sera pas un bon roi, pensa-t-il. Pourtant, ai-je le choix ? Cette Aliénor pourra-t-elle transformer ce prêtre en souverain ? Je me la souviens belle et désirable, apte à donner des héritiers à la couronne, mais cela sera-t-il suffisant ? »
    Il soupira longuement, puis sa voix ferme et sans appel résonna sous les voûtes de la chapelle :
    – Je t’ordonne d’épouser la duchesse Aliénor d’Aquitaine, mon fils, et de la faire reine de France. Je t’ordonne d’aimer cette femme, de lui plaire, de combler ses désirs et ses exigences, afin qu’elle mette au monde des fils pour cette terre. Si ton père te le demande, ton roi l’exige, entends-tu ?
    Louis sentit un sanglot de révolte lui nouer la gorge ; pourtant, il s’agenouilla devant son souverain et posa en signe de soumission ses lèvres tremblantes sur l’émeraude sertie de diamants que Louis le Gros portait à l’annulaire gauche. Incapable de bouger ou de proférer un son, il demeura les yeux rivés au sol. Le roi s’écarta d’un pas, déçu autant qu’apitoyé par cette forme voûtée qui cependant était la chair de sa chair. La douleur devenant de nouveau pressante dans ses viscères malades, il tourna les talons et sortit en prenant soin de refermer la porte derrière lui.
    Lorsque l’écho de ses pas cessa d’emplir la maison de Dieu, Louis le Jeune, saisi de dégoût et de peur, vomit au pied de la croix la bile acide et verdâtre de ses démons intérieurs. Puis, le corps en transe, il s’en fut se coller contre elle, dans cette position de crucifié qui ne libéra son âme que quelques heures plus tard, alors qu’épuisé il s’endormait recroquevillé en fœtus au pied du symbole divin.
    J’avais obtenu d’Aliénor, dès mon arrivée au palais, l’autorisation

Weitere Kostenlose Bücher