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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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chemin de croix ne peut être le vôtre, puisque nos raisons et nos péchés diffèrent. Ce soir, nous arriverons à l’hospice. Vous vous ferez examiner par un moine, et vous vous y reposerez.
    – Le croyez-vous vraiment ?
    – Nous le croyons tous, Guillaume. Ce serait folie que s’entêter, insista le baron d’Angoulême, surpris par ce revirement d’opinion.
    Guillaume secoua la tête, dépité. Il songea à sa fille Aliénor et à l’engagement qu’il avait pris de la fiancer à son retour.
    « Ainsi, pensa-t-il, l’esprit libéré de toute obligation, je pourrai subir la loi de Dieu. Pour l’heure, la sagesse doit l’emporter sur mes commandements. »
    – Peut-être est-ce mieux ainsi, soupira-t-il à haute voix.
    Résigné, il porta, à l’exemple de ses compagnons, le gruau à ses lèvres, le mâcha sans appétit, les yeux perdus dans les songes imagés de sa fille auréolée de la couronne d’Angleterre.
    Brusquement, les images se troublèrent, un spasme d’une violence insoutenable lui fit lâcher l’écuelle et congestionna ses traits. Le souffle lui manqua. Tournant un regard hébété vers ses compagnons qui s’étaient précipités dans un fracas de vaisselle, il s’écroula vers l’arrière, le corps secoué de convulsions. Dans un sursaut de conscience, il saisit la main d’Anselme qui lui soutenait la nuque et la serra avec violence, lâchant dans un souffle, à l’intention des visages penchés au-dessus de lui :
    – Unir Aliénor au futur roi…, Promesse…
    Un filet de sang éructé avec violence de sa gorge en un dernier hoquet vint finir sa phrase. Les yeux révulsés, il rendit son ultime souffle.
    Anselme, satisfait, lui ferma les paupières, affichant comme il se doit la perte d’un ami cher sur son visage de fouine.
    Saisissant d’à-propos, il murmura à l’attention de tous :
    – Nous respecterons ta promesse, Guillaume. Nous irons porter tes dernières volontés au roi de France, ton choix doit être le nôtre désormais.
    Brisés par la douleur, les barons ne purent qu’approuver d’un signe de tête avant de se recueillir en prière. Malgré son antipathie pour le baron de Corcheville, pas davantage que les autres le baron d’Angoulême n’imagina un seul instant que le poison était la cause de ce trépas.
    À Béthisy, demeure des rois de France, l’abbé Suger reçut la délégation d’Aquitaine avec un éclat métallique dans les prunelles. Il reconnut à leurs côtés celui que les Chevaliers du Temple avaient converti à leur cause, mais demeura de marbre, l’habit et l’esprit qu’il défendait le mettant à l’abri de remords inutiles.
    Il fît prévenir Louis VI dit le Gros de l’urgence de l’entretien, puis donna des ordres pour que ces hommes éprouvés prennent collation et repos.
    Quelques heures plus tard, Louis le Gros entra dans la grande salle voûtée. Le roi de France avait le teint cireux des êtres malades que le flux de ventre affaiblissait de jour en jour. Son abdomen était enflé telle une outre, et son visage boursouflé couvert de furoncles purulents. Il s’installa sur le trône, puis ses vassaux vinrent s’agenouiller au pied des deux marches recouvertes d’un épais tapis de velours.
    D’un geste las, il leur fit signe de se relever, mais le baron d’Angoulême demeura prostré, un genou à terre, accablé par le chagrin. Tendant un visage marqué, il s’exprima au nom de ses compagnons, humblement placés en arc de cercle derrière lui :
    – Votre Majesté, nous sommes porteurs d’une bien triste nouvelle. Guillaume, duc d’Aquitaine, n’est plus. Son corps a été inhumé il y a quelques semaines près de l’endroit où il rendit l’âme. Nous sommes ici plusieurs à avoir recueilli ses dernières volontés. Sans prévenir sa maison pour ne pas risquer d’éveiller la convoitise des barons qui lui étaient hostiles, nous venons en son nom vous demander protection pour Aliénor, son aînée, ainsi qu’il est de votre bonté et pouvoir d’en assurer la tutelle.
    – Cette nouvelle m’attriste, répondit le roi, contorsionnant sur son siège ses viscères malades, et je ne peux qu’accepter votre requête. La duchesse Aliénor bénéficie sur l’heure de toute ma protection, de même que ses biens et ses gens.
    – Que Votre Majesté en soit louée. Toutefois, messire le duc espérait encore davantage dans son agonie, osant souhaiter qu’une union entre le royaume de France et

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