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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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m’avez pas remarqué. Ici, je me trouvais proche de vous. Je n’osais espérer que ce fût à ce point.
    Il était si près que je pouvais percevoir le froissement de son man-tel contre mon ventre. Cette solitude soudain si pesante ! N’avoir personne à qui confier mon angoisse ! Son parfum me troublait l’âme, j’eus envie de ses lèvres sur les miennes, de ses mains courant sur mon corps. Pouvoir poser ma tête sur son épaule et oublier, oublier qui j’étais, juste un instant !
    Il promena son souffle sur mon visage, jouant à me sentir vibrer de le respirer, prolongeant mon supplice, devinant sans doute avec son savoir d’homme combien l’attente de ses bras aiguisait ce trouble délicieux au creux de mes reins.
    Il posa sa paume chaude et douce contre ma joue, et je m’y frottai comme une jeune chatte appelant la caresse. Il murmura :
    – Marchons un peu, voulez-vous ? La nuit est belle sur la Garonne, l’orage qui gronde semble l’aspirer tout entière dans son tourbillon de bronze. Venez !
    J’acquiesçai d’un signe de tête, la gorge nouée de larmes et de désir.
    Nous nous avançâmes jusqu’aux remparts. A leur pied, le fleuve à marée haute clapotait en un murmure sur les quais. Quelques gabares et nefs espagnoles étaient amarrées dans le port, ombres vacillantes sous le vent léger. Au loin, des éclairs zébraient le ciel.
    Jaufré pointa son index vers la tête de l’orage et me confia à mi-voix :
    – Là-bas est ma terre. Mon comté. Je voudrais vous y emmener, Loanna, vous montrer les îles, les marais. Là-bas, ils n’ont pas la même couleur que ceux d’ici. La terre est plus rousse ou plus noire, l’eau plus vivante. À Blaye, le fleuve ouvre ses bras à l’océan. Venez avec moi, je vous ferai aimer ses gens, ses vignes, ses champs, comme je les aime. Comme je vous aime.
    Il me fit face et cueillit mon visage à deux mains, emprisonnant mon regard dans le sien, le fouillant de tendresse. J’aurais tant voulu à cet instant n’être qu’une de ces dames de compagnie frivoles. Pouvoir pleinement l’aimer de toutes mes forces et de tout mon cœur. Mais mon destin était ailleurs. Je secouai la tête tristement. Si seulement je pouvais lui dire… Ses lèvres s’emparèrent des miennes, noyant mon refus dans leur refuge humide.
    Soudain, les baisers d’Aliénor m’apparurent fades, face à cette langue qui caressait les mots que je ne lui dirais jamais, consumant mon corps alangui d’un feu inconnu. Le tourbillon de sa bouche gourmande dévorait la mienne puis mon menton, mon cou. Mon souffle s’égara dans un gémissement, enlisant ma volonté dans un désir qui me rendait femme.
    Incapable de résister plus longtemps, je le laissai me cambrer sur la pierre des remparts. Je sentais l’appel du vide sous ma nuque, grisée par l’idée qu’il suffirait d’un rien pour y basculer. Avoir confiance en quelqu’un une fois, juste une fois. Il dénoua mes cheveux et s’attarda dans leur soie, son doigt mutin s’aventurant sur mes épaules, derrière mon oreille. Il souriait comme un enfant. J’étais bien, bien de son corps contre le mien. J’enlaçai sa nuque pour l’attirer plus près encore et cherchai sa bouche avec douceur. Au diable mes résolutions ! Demain, il me faudrait partir vers une raison d’État qui n’admettrait aucune faiblesse. Ce soir, cela n’avait plus d’importance. J’avais besoin de lui, de son plaisir puissant au creux de mon ventre. Je guidai sa main sur les liens de soie qui retenaient mon corsage. J’étais nue sous l’étoffe. Jaufré promena ses doigts dans l’échancrure béante. Ses caresses ressemblaient à des ailes de papillon. Même Aliénor avec ses mains adoucies par les onguents n’avait pas cette légèreté à fleur de peau qui me fit frémir. Il s’empara d’un sein et y posa ses lèvres avec passion. Il s’attarda sur ma gorge palpitante, et je savourai avec agacement son insistance à me faire languir.
    La nuit devenait de plus en plus métallique au-dessus de mon visage. Je fermai les yeux en sentant sa bouche descendre sur mon nombril. Lentement, ses mains remontèrent l’étoffe le long de mes jambes, ponctuant de baisers ma peau qu’elles dénudaient.
    Il s’était agenouillé. Ses lèvres musardaient maintenant à l’intérieur de mes cuisses, agrandissant mon impatience. Je pris encore conscience de mes paumes enserrant ses tempes à les broyer et de la moiteur de mon pubis qui

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