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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Aliénor, amusée par les mines dégoûtées de ses amies.
    Nous échangeâmes un sourire complice, puis, très digne, je suivis le page qui m’attendait, escortée de Denys, troublé par la beauté hautaine de la jeune reine.
     
    Je n’avais pas eu le cœur d’ennuyer Camille, aussi crottée que nous, et la laissai se délasser dans l’antichambre tandis que je me pliais aux soins de Bernice. C’était une petite Bordelaise à peine plus âgée que moi, au minois rieur bien que sans grâce, à laquelle je racontai mon séjour en pays de Blaye, sachant que sa famille en était originaire. Bernice en fut émue aux larmes. Elle n’aimait pas l’île de la Cité, elle ne s’adaptait pas à la tristesse de la vieille ville. Elle se fit toutefois un plaisir, mise en confiance par mes propres confidences, de me raconter tout ce qui avait été le quotidien de sa maîtresse pendant mon absence. Cela me rassura, jusqu’à ce que j’apprenne le nom de Béatrice de Campan. Bernice la trouvait merveilleuse et la reine aussi, et damoiselle d’Angoulême qui gloussait à ses plaisanteries, et…
    Et cela m’agaça. J’avais eu raison de me hâter. Mon regard avait accroché celui de ladite personne lorsque Aliénor m’avait étreinte et j’avais pressenti la menace. Restait à savoir si cette trop jolie dame m’avait remplacée en tout point.
    J’eus la réponse peu de temps après. La porte de ma chambre s’ouvrit à l’instant où je m’apprêtais à descendre, et Aliénor congédia Bernice.
    Elle ne me laissa pas loisir de lancer la conversation. Elle se jeta sur moi avec une voracité de louve, m’enlaçant à m’étouffer, et ne s’apaisa que quelques heures plus tard alors que none sonnait. Aliénor avait manqué d’amour. Et j’avais manqué d’elle.
    Ensuite seulement vinrent les reproches. Je l’avais abandonnée sans nouvelles, elle m’en voulait d’avoir pris du plaisir quand elle se démenait à se faire une place ici. Heureusement, il y avait eu Béatrice, si généreuse et attentive, si cultivée, si charmeuse, si jolie…
    Je coupai court à son éloge. Aliénor était blottie de côté contre mon épaule, sa jambe droite posée avec négligence sur mon ventre.
    – Suffit. Pourquoi avoir quitté une telle perle pour te perdre au creux de mes reins si vite ? Permets-moi de ne pas comprendre, ma reine.
    Aliénor se redressa et détailla mon visage agacé. Elle poussa un soupir de plaisir, puis se pelotonna de nouveau contre moi.
    – Jalouse. Tu es jalouse de Béatrice. Tant mieux !
    Je ne pus m’empêcher de sourire. Pour toute réponse, je caressai ses boucles rebelles. Quelques secondes plus tard, Aliénor dormait en ronronnant comme un jeune chat.
     
    Les jours qui suivirent me permirent de me faire ma propre opinion. Béatrice était, en apparence tout au moins, gaie, enjouée, aussi agréable de compagnie qu’il était possible, mais elle n’était que fourberie. Ses oreilles traînaient partout avec indiscrétion. Elle était d’une intelligence vive, finissait souvent les phrases d’une conversation saisie au vol, apprenait avec une grande facilité les défauts d’autrui pour les mieux tourner et flattait avec une habileté sans égale qui pouvait lui être hostile.
    Je l’avais surprise plus d’une fois se dirigeant vers le cabinet de Suger, ou acceptant le bras du vieil homme avec un plaisir évident et échangeant avec lui quelques propos à l’écart. Cela m’avait suffi pour comprendre. Elle ravissait les femmes, auxquelles elle contait, à la demande, la triste histoire d’Abélard et Héloïse, et se refusait aux hommes.
     
    Le roi s’était remis au bout d’une semaine de lit de sa maladie mais gardait encore le teint laiteux, de sorte que, sur les ordres de son apothicaire, il demeurait enfermé, confiant à Suger les questions politiques autant que religieuses.
    Mon retour laissa Louis dans une indifférence totale. M’avait-il seulement remarquée à Bordeaux, tant il ne voyait qu’Aliénor ? Suger, en revanche, m’accueillit trop plaisamment à mon goût, me confortant dans l’idée que, pour être ainsi amical, il aurait sans doute eu grand intérêt à ma perte.
    Béatrice ? Elle paraissait s’accommoder avec générosité de notre jeu à trois, mais je n’étais pas dupe. Pas plus, contrairement à ce que pensait Aliénor, que je n’en étais jalouse.
    Raoul de Crécy s’était plié de mauvaise grâce aux ordres d’Aliénor et avait

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