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Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Titel: Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carolyn Grey
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attention sur la solide gardienne
qui la précédait. Toutes les infirmières de l’asile étaient grasses et
costaudes, avec des cous épais et des bras musclés. Il fallait être vigoureuse
pour travailler dans un tel endroit, où l’on risquait à chaque instant d’être
attaquée par une démente. Les premiers mois de son internement, Angelia elle-même
avait donné bien du fil à retordre à ses surveillantes. Faisant preuve d’une
force et d’une violence inouïes, elle mordait, griffait, frappait sauvagement
quiconque s’approchait d’elle. Son état lui avait valu un long séjour dans
l’aile de l’asile réservée aux folles furieuses. Cassandra conservait un
souvenir épouvanté du spectacle offert par ces malheureuses qui couraient en
tous sens en poussant des hurlements à glacer le sang, certaines la bave aux
lèvres et les yeux si exorbités qu’ils semblaient sur le point de leur sortir
de la tête. Après quelques semaines cependant, l’action conjuguée sur Angelia
de la camisole, des bains glacés, de la diète forcée et des saignées avait fini
par produire quelque résultat car son agitation hystérique avait laissé place à
une inquiétante prostration. Selon les médecins, le traitement avait
fonctionné, mais Cassandra n’était guère convaincue. Voir sa sœur constamment
épuisée et frappée d’aphasie, à mille lieues de ce qu’elle était avant son
enfermement, lui inspirait à chaque fois une pointe de remords. Elle se
consolait en se répétant que l’asile de Reinfield était un établissement privé
dont les tarifs extrêmement élevés se justifiaient par la qualité des soins qui
y étaient prodigués aux patientes. Il n’accueillait de ce fait que des femmes
de qualité, et si les traitements pouvaient paraître rudes, du moins
étaient-ils exempts de cruauté gratuite. Il n’y avait pas à Reinfield, comme
dans d’autres asiles d’aliénés, d’appareils électriques barbares qui blessaient
plus qu’ils ne guérissaient. De tels instruments de torture auraient-ils pu
débarrasser Angelia de ses pulsions meurtrières ? Cassandra en doutait. Du
reste, elle aimait trop sa sœur, en dépit de tous ses crimes, pour tenter
l’expérience.
    En
dehors de son fils, Angelia était sa seule parente au monde. Du moins pour ce
qu’en savait Cassandra, dont la mémoire parcellaire ne conservait que des
images très floues de son enfance.
    Lorsque
les médecins avaient estimé qu’elle ne représentait plus un danger tant pour
elle-même que pour les autres, Angelia avait pu quitter la salle des folles
furieuses pour intégrer la partie de l’établissement réservée aux malades plus
dociles. Là, les désordres psychiatriques des patientes se manifestaient de
façon moins spectaculaire mais tout aussi angoissante. Léthargique, Angelia
passait des journées entières assise sur une chaise à bercer ses poupées, la
blonde Pearl et la brune Ruby, en fredonnant à voix basse. Elle avait cependant
de temps à autre des éclairs de conscience, Cassandra en était persuadée.
Durant une fraction de seconde, son regard devenait plus vif, son visage plus
concentré, son expression plus intense. Puis, presque aussitôt, ses prunelles
se voilaient et elle retombait dans son état de prostration coutumier. Ces
instants de lucidité, pour brefs qu’ils fussent, s’étaient multipliés au cours
des derniers mois. En certaines occasions, Angelia s’était même remise à
parler. C’était un net progrès, même si les propos qu’elle tenait ne dénotaient
pas un esprit très sain. Le visage rayonnant d’une gaieté diabolique, elle
n’aimait en effet rien tant que détailler à sa sœur les horreurs commises par
ses compagnes d’infortune.
    –  Charity
a assassiné son enfant, annonça-t-elle un jour sans crier gare, faisant sursauter
Cassandra.
    Elles
se trouvaient alors dans la salle commune de l’asile, et Angelia pointait du
doigt une jeune femme aux cheveux d’un blond cendré, dont le pâle visage
reflétait une profonde mélancolie.
    –  Et
voici Juliana, poursuivit-elle avec jubilation en désignant une maigre
adolescente occupée à coudre tranquillement dans un coin de la pièce. Son père
était un riche armateur londonien. Dans une crise de démence, elle a massacré
il y a deux ans toute sa famille : ses parents, son frère et ses deux
sœurs.
    Avec
une hache, peux-tu imaginer une chose pareille ? Et pourtant, elle n’a
jamais fait de mal à

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