Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
chandelle, et l’odeur de la fumée flotta dans le noir.
V
La
lumière du jour commençait à décliner sur les sommets enneigés du Caucase,
faisant place à un crépuscule charbonneux, tandis que le traîneau poursuivait
son chemin à travers la nature sauvage de la Svanétie. Walter tentait
d’ordonner la quantité d’informations que venait de lui communiquer Angelia à
propos de l’Alchimiste Noire, Isis.
– Comment
une femme née au XI e siècle peut-elle être
impliquée de près ou de loin dans les meurtres qui ont lieu actuellement à
Londres ?
Angelia eut un sourire
énigmatique.
– C’est tout le mystère,
en effet.
Walter se tut un
instant, puis, saisi d’un horrible doute :
– Isis est bien morte,
n’est-ce pas ?
– Oh
oui, elle a été jugée pour sorcellerie et condamnée à être exécutée. Elle n’en
a pas réchappé.
– Mais
si elle avait réellement découvert la pierre philosophale, elle aurait été
immortelle ! s’écria Walter, ravi d’avoir trouvé une faille dans
l’histoire abracadabrante d’Angelia.
– La
Pierre prolonge l’existence, mais le corps reste vulnérable, corrigea patiemment
la jeune femme. Une mort violente demeure toujours possible. Et surtout, la
Pierre n’a pas le pouvoir de ressusciter les morts.
Walter
médita cette réponse avant de s’enquérir, soudain soupçonneux :
– Par quel miracle
êtes-vous si bien informée ?
Angelia
caressa la couverture de cuir du carnet posé sur ses genoux.
– Parce
qu’un homme du nom de Thomas Ferguson a consacré sa vie à la quête des
sanctuaires d’Isis et de Cylenius, et qu’il a consigné tous les résultats de
ses recherches dans ce carnet.
– Et
donc nous sommes venus en Russie pour trouver la pierre philosophale créée par
Isis, conclut Walter, désireux de remonter dans l’estime d’Angelia en se
montrant perspicace.
– Pas
du tout, rétorqua-t-elle, réduisant ses illusions en miettes. Mais votre
curiosité va bientôt être satisfaite. Je crois que nous avons atteint notre
destination…
Une
forêt noire et compacte que Walter jugea passablement sinistre se découpait à
une centaine de yards devant eux sur le ciel de granit. Angelia consulta une
fois encore les notes de Thomas Ferguson.
– Et
c’est donc ce carnet qui indique l’emplacement du sanctuaire de l’Alchimiste
Noire ? déduisit Walter en louchant par-dessus l’épaule de la jeune femme
pour tenter de lire en même temps qu’elle.
– Exactement.
– Mais
dans ce cas, comment savoir si Thomas Ferguson n’a pas déjà récupéré ce que
vous allez chercher là-bas ?
– Non,
il ne l’aurait pas pu, même s’il l’avait voulu. Trouver la pierre philosophale
de Cylenius constituait un préalable obligatoire avant de pouvoir pénétrer dans
le sanctuaire d’Isis. Ce sont les meurtres de la Dame Noire qui ont annoncé
qu’il était maintenant ouvert.
Sans
plus lui prêter attention, Angelia descendit du traîneau qui s’était immobilisé
à quelques pas de la lisière de la forêt et rejoignit Seishiro. Celui-ci avait
sorti les sacs de l’attelage et allumait une lanterne à l’aide d’un briquet.
Angelia et lui s’engagèrent dans un chemin blanc crevé de racines et de pierrailles
qui s’enfonçait dans les sous-bois obscurs.
– La
nuit va bientôt tomber, s’inquiéta Walter, est-il bien prudent de nous promener
dans la forêt à cette heure ?
Aucun
des deux ne prit la peine de répondre, et Walter, peu enthousiaste à la
perspective de rester seul, s’empressa de les suivre dans la neige boueuse.
À
demi recouvert de feuilles et de branches mortes, le sentier sinuait entre des
fourrés réduits à l’état de squelettes et des troncs d’arbres dénudés qui
semblaient de gigantesques gardiens guettant les intrus dans la pénombre. Leurs
branches tourmentées s’élançaient vers le ciel et se fondaient dans sa
noirceur. Des craquements et des râles traversaient les bois, et une odeur
suffocante d’eau saumâtre et d’humus flottait dans l’air.
Le
chemin débouchait dans une vaste clairière qui formait un cercle parfait. Dans
cet espace découvert, le froid déjà mordant devint plus vif encore, lacérant la
peau d’Angelia et de ses compagnons. Transi, Walter s’enfonça sa toque de
fourrure jusqu’aux yeux et renifla à plusieurs reprises.
Nul
bruit ne se faisait entendre, et il ne semblait y avoir aucun être vivant à des
lieues à la
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