Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

venue la voir pour lui faire part de son
souhait de travailler au sein de la rédaction del ’English
Woma n .)
    –  À présent, Miss Ward,
avez-vous un autre projet d’article ?
    –  C’est
pour cette raison que je venais vous voir, Miss Davies. J’aimerais écrire un
reportage sur l’éducation des filles dans les quartiers déshérités de l’East
End, à Whitechapel plus précisément.
    –  Le
projet est audacieux. Un tel endroit est-il bien la place d’une jeune fille de
qualité ? demanda Miss Davies.
    –  L’intérêt
du sujet prime sur les risques, rétorqua Megan avec sérieux.
    Miss Davies sourit.
    –  Je
ne puis que vous encourager, d’autant que vous savez que le problème de
l’éducation des jeunes filles me tient à cœur.
    Megan
quitta Langham Place très satisfaite de son entrevue. Elle aurait désormais
l’occasion de se rendre régulièrement à l’orphelinat de Hanbury Street et de
revoir l’intrigante Victoria. Dans le cab qui la ramenait chez elle, Megan
s’interrogea de nouveau à son sujet. Pouvait-on lui faire confiance, ou bien
tentait-elle de les manipuler dans un but connu d’elle seule ? Le fait
qu’elle fut la fille de Charles Werner n’avait rien de rassurant.… Pour la
mettre à l’épreuve, Megan avait évoqué Angelia Killinton devant elle, sans
obtenir de réaction.
    Bien
entendu, Jeremy ne se posait pas toutes ces questions. Il avait dès la première
seconde succombé au charme de Victoria, acceptant son histoire sans sourciller
et se servant de l’Astrum comme prétexte pour lui rendre de fréquentes visites.
Mais avec sa mise débraillée et sa chevelure ébouriffée, le pauvre ne faisait
pas le poids face à Gabriel. Manifestement fascinée par la beauté du jeune
homme, Victoria avait habilement manœuvré pour le garder à ses côtés. Il est
vrai que la tâche ne présentait pas de difficultés : Gabriel était
complètement perdu depuis qu’il s’était séparé de lord Ashcroft, et il semblait
content que quelqu’un prenne une décision pour lui.
    En
rentrant à Baker Street, Megan eut la malchance de croiser Cassandra dans le
hall. Depuis son retour de Paris, sa belle-sœur ne cessait de s’agiter en tous
sens, sillonnant Londres à la recherche de Dieu seul savait quoi, et se
montrait d’humeur particulièrement acrimonieuse.
    –  Megan,
où donc étais-tu encore passée ? Je t’ai déjà répété une centaine de fois
de ne pas t’absenter sans dire où tu allais…
    –  Je
n’ai pas à te rendre compte de mes activités, la coupa Megan.
    –  Tant
que tu seras sous mon autorité, tu devras pourtant te plier à mes règles !
Marie-toi si tu veux que cela change.
    –  Fais
attention, je pourrais te prendre au mot, repartit Megan avant de la planter là
et de gravir les marches.
    Elle
regagna sa chambre, rumina une demi-heure entière contre sa belle-sœur, puis,
enfin calmée, monta au grenier voir Nicholas. Il était presque complètement rétabli
à présent, et Megan appréhendait le moment où il lui annoncerait son intention
de partir.
    Elle
le trouva plongé, sourire aux lèvres, dans la lecture d’une pile de feuillets.
Lorsqu’elle s’approcha, Megan reconnut avec horreur son roman, Les
Extraordinaires Aventures de Barbara Rayner Leigh. Le rouge au
front, elle lui arracha le manuscrit des mains.
    –  Où avez-vous trouvé
cela ? aboya-t-elle.
    Nicholas lui adressa un
sourire d’une parfaite désinvolture.
    –  Je
m’ennuyais, aussi me suis-je permis de chercher un peu de distraction dans la
maison. J’ai découvert ce manuscrit dans la commode de votre chambre.
    –  Dans la commode… de ma
chambre… balbutia Megan.
    –  Je
ne regrette pas de l’avoir lu, continua Nicholas, j’ai passé un moment tout à
fait plaisant. J’ai même beaucoup ri, pour dire la vérité, mais je crois que
vous êtes meilleure journaliste que romancière.
    –  Ce
n’est pas supposé être drôle, se fâcha Megan. Et êtes-vous fou de vous promener
ainsi dans la maison ? Si quelqu’un vous voyait ?
    Nicholas haussa les
épaules.
    –  Ce
serait bien le diable si je ne parvenais pas à échapper à la surveillance de
vos domestiques. Quant à Cassandra, elle est pratiquement toujours absente, ce
me semble. C’est une chance pour vous, car elle serait furieuse de vous voir
sortir si souvent sans chaperon.
    –  Ne
vous moquez pas de moi, protesta Megan dont la colère retombait déjà.
    Songeuse,