Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
n’avons plus qu’à rebrousser chemin.
– Ne
soyez pas stupide, gronda Angelia, et entrez. Seishiro le poussa à l’intérieur
du réduit. Ils se tassèrent dans l’espace confiné et le battant se referma sur
eux. Aussitôt, sans crier gare, la cabine s’ébranla et commença lentement à
descendre en grinçant.
Walter
nota avec plaisir que Seishiro s’était pour une fois départi de son
impassibilité coutumière et affichait une légère inquiétude. Sa satisfaction ne
dura guère cependant car lui-même ne tarda pas à se sentir oppressé. Il se mit
à transpirer.
– Un
ascenseur, comme c’est pratique, déclara Angelia d’un air appréciateur.
Celui-ci est rudimentaire mais il en existe de beaucoup plus perfectionnés à
New York. J’ai eu l’occasion d’en voir lors de mon dernier voyage en Amérique,
ajouta-t-elle sur le ton de la conversation.
Elle
espérait peut-être attiser la curiosité de Walter et l’inciter à l’interroger
sur sa vie passée, mais il était trop occupé à lutter pour ne pas s’évanouir.
– Je
suis heureux de l’apprendre, se contenta-t-il de marmonner, les paupières
étroitement closes.
La
présence d’Angelia, serrée contre lui, n’arrangeait rien à son malaise ;
elle portait un parfum capiteux, mélange de lys, de musc et de glycine, qui lui
faisait tourner la tête.
– Vous
ai-je signalé que je ne supporte pas d’être enfermé dans des espaces
clos ? souffla-t-il d’une voix mourante.
– Quelle
révélation fascinante, rétorqua Angelia sans le regarder. Avez-vous d’autres
informations de première importance à nous communiquer pendant que nous sommes
bloqués ici ?
Walter
blêmit encore davantage, si cela était possible, mais ne répondit pas. Ils
continuèrent donc leur descente en silence durant un temps qui lui parut
interminable. Enfin, la cabine s’immobilisa avec une violente secousse dans un
concert de craquements.
Angelia
ouvrit la porte à la volée, jeta un rapide coup d’œil aux alentours, puis
sortit sur une étroite corniche. Seishiro la suivit. Couvert d’une sueur
froide, les yeux fermés, Walter demeura statufié au fond de la cabine,
incapable de bouger ne fût-ce qu’un doigt. Conscient que ses deux tortionnaires
le scrutaient sans indulgence, il se força à inspirer lentement à plusieurs
reprises. Vacillant, il émergea à son tour de la cabine et cligna des paupières
avant de pousser une exclamation de terreur.
Ils
surplombaient un gigantesque escalier en spirale taillé dans le roc qui
serpentait autour d’un puits central, s’enfonçant dans des ténèbres de plus en
plus opaques. Des torches étaient fixées aux murs à intervalles réguliers et
soulignaient d’une lueur rougeâtre les méandres du sentier. Eux-mêmes se
trouvaient avec l’ascenseur au sommet d’une étroite éminence rocheuse plantée
au cœur du puits central, comme suspendus dans les airs, à des centaines de
yards au-dessus de la terre ferme.
– Ce
n’est pas à Londres que nous verrions un tel spectacle, lança Angelia avec
entrain.
– Dieu nous en
préserve ! gémit Walter.
Il
fit un pas vers le bord de la corniche et baissa les yeux, ce qui naturellement
était une très mauvaise idée. Entre lui et le fond du gouffre, très, très loin en
contrebas, il n’y avait qu’une planche de bois, une longue planche qui joignait
la corniche sur laquelle ils se tenaient au sommet de l’escalier. Walter devint
exsangue.
– Je…
nous… allons-nous devoir marcher sur cette planche pour gagner l’autre
bord ?
– Je
crains que nous n’ayons pas le choix, répondit joyeusement Angelia.
– Je
ne crois pas en être capable. Vous ai-je signalé que je souffrais du
vertige ? demanda Walter d’une voix atone.
– Il n’y a rien à
craindre, assura-t-elle. Regardez.
Relevant
les pans de sa cape à deux mains, elle traversa la planche dans un frou-frou de
tissu, aussi à l’aise que si elle évoluait dans une salle de bal (un tel
détachement ne pouvait résulter que d’un immense courage ou d’une totale
inconscience, et Walter penchait plutôt pour la seconde solution). Quand elle
eut atteint l’escalier de pierre, elle se retourna et leur adressa un signe
impérieux de la main. Obéissant à son injonction, Seishiro suivit son exemple
et franchit le précipice en deux enjambées, aussi souple, précis et agile qu’un
homme pouvait l’être. Le Japonais se plaça près d’Angelia et
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