Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
murmura
Megan.
Durant
un très long moment, un silence total, irréel, plana sur les lieux. Puis le
croassement d’un corbeau retentit sous la voûte des arbres et le temps parut
courir de nouveau. Celui qui paraissait être le chef de la troupe s’avança vers
la voiture.
– Donnez-nous
le Livre d’émeraude ! cria-t-il d’une voix si forte que tout le bois
résonna.
– C’est
hors de question, riposta farouchement Cassandra en serrant plus fort le livre
contre elle.
– Voyons,
Cassandra, intervint Julian, nous ne sommes pas en position de résister…
Elle
se tourna brusquement vers Vlad qui, le nez collé à la vitre, contemplait les
silhouettes noires avec une expression ravie.
– Aidez-nous,
le pressa-t-elle. Vous possédez certains… (elle hésita sur le terme à employer)
pouvoirs, n’est-ce pas, comme Dolem et Cornelia ?
– Si
peu, si peu, fit-il avec insouciance. Vraiment, je ne puis vous être d’aucune
utilité…
– Faites venir vos rats,
ordonna Clayton.
– Maintenant ?
s’indigna Vlad. Mais je commence à peine à m’amuser !
– Oui, maintenant !
rugit le policier.
L’homonculus croisa les bras et se
rencogna sur la banquette de cuir.
– D’accord, finit-il par
obtempérer, l’air maussade.
Ce
fut d’abord un piétinement sourd, comminatoire. Déconcertés, les cavaliers se
dressèrent sur leurs étriers et tendirent l’oreille. Un cheval fit un brusque
écart et se cabra, un autre rua, zébrant l’air de ses sabots arrière. On
entendit une exclamation rageuse, le hurlement des cavaliers touchés par les
fers.
– Formez un seul
rang ! cria leur chef, conscient du danger.
Mais
déjà le chaos régnait alentour. Assaillis par des hordes de rats surgissant de
toutes les directions, les chevaux paniqués tentaient en vain de fuir :
ils se cabraient, trébuchaient sur la pelisse mouvante qui couvrait le sol,
tombaient à la renverse, piétinaient les cavaliers désarçonnés. Un vacarme
épouvantable emplissait la forêt ; aux hennissements de terreur des
montures et aux piaillements surexcités des rongeurs se mêlaient des jurons,
des cris et des plaintes, des ordres contradictoires que personne n’écoutait.
Des coups de pistolets tirés au hasard ponctuaient ce tumulte. L’attaque avait
dégénéré en une cohue de chevaux et d’hommes vociférant parmi les sabots fous,
le visage convulsé ou baigné de sang, tandis que les rats continuaient à
grouiller de toutes parts. Les cavaliers s’agrippaient aux crinières de leurs
montures ou, jetés à bas, pendaient lamentablement aux étriers, leurs mains
battant l’air. Et c’est au plus fort de cette débandade que Cassandra et ses
compagnons ouvrirent le feu, ajoutant à l’affolement général et scellant la
défaite de leurs assaillants.
Les
chevaux se dispersèrent en tous sens, avec ou sans cavalier. Voyant la partie
perdue, le chef de la troupe, qui était parvenu à maîtriser son cheval et à
rester en selle, éperonna sa monture et s’enfuit au galop. Les rats
s’égaillèrent alors, et leurs yeux jaunes se fondirent dans l’obscurité.
Enfin,
le silence retomba sur la forêt. Avec précaution, Cassandra et ses compagnons
descendirent de la voiture et firent quelques pas parmi les flaques de sang et
les selles réduites en pièces avant de rebrousser chemin et de se rassembler
près du fiacre.
– Qu’allons-nous
faire ? se lamenta Jeremy tout en soufflant sur ses doigts pour les
réchauffer. Nous ne pouvons tout de même pas regagner Bistrita à pied !
Au
moment où il achevait sa phrase, un dôme de blancheur éclatante recouvrit les
bois. Cela dura le temps d’un éclair, puis la pénombre s’abattit de nouveau sur
eux.
– Qu’était-ce
donc ? murmura Julian. Jamais je n’avais vu de lumière aussi vive.
Cassandra palpa
machinalement son manteau et sursauta.
– Le Livre
d’émeraude ! Je ne l’ai plus !
– En êtes-vous
certaine ?
Très
pâle, elle fouilla fébrilement ses poches, puis vérifia le sol aux alentours et
l’intérieur du fiacre.
– Oui, il a disparu,
dit-elle enfin d’une voix étranglée.
– Cornelia
l’a récupéré, déclara Vlad avec nonchalance. L’idée que le Livre d’émeraude
tombe entre des mains étrangères lui était insupportable. À ses yeux, personne
n’est digne de posséder une relique d’Isis.
– Alors
je retourne au château, décida Cassandra, créant la stupeur chez
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