Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
volonté.
– De
sa volonté ? s’emporta Julian. Et que faites-vous de mes sentiments ?
– S’il
décide de vous revoir, il sait où vous trouver. J’ignore ce qu’il s’est passé
entre vous, mais il a manifestement des raisons de vous en vouloir. Vous devez
le laisser libre de choisir et ne pas lui forcer la main.
Une étincelle de colère
enflamma Julian.
– Est-ce
tout ce que vous avez à dire ? la questionna-t-il durement. Après tout ce
que j’ai fait pour vous ? Vous me décevez beaucoup, Cassandra, je pensais
que vous accordiez plus de prix à notre amitié !
L’injustice
de la remarque blessa la jeune femme, mais elle s’efforça de se montrer
conciliante.
– Je suis désolée,
répéta-t-elle. Ne m’en veuillez pas…
Julian
ne répondit pas. Il se contenta de la toiser de toute sa hauteur, tremblant de rage
contenue. Puis, après un moment qui parut interminable à Cassandra, il lui
tourna brusquement le dos, remonta le compartiment en quelques enjambées et
disparut au bout du couloir.
*
Julian
et Cassandra ignoraient que leur conversation avait eu un témoin involontaire
en la personne de Jeremy. Le journaliste avait surpris leurs propos par
inadvertance et n’en avait pas perdu une syllabe. Leur altercation l’avait
ramené au dilemme qui le torturait depuis leur départ en Transylvanie :
devait-il ou non mettre Julian au courant de l’endroit où vivait Gabriel ?
Il était tiraillé entre la promesse de silence faite au jeune homme et la
nécessité de l’éloigner de Victoria. Quoi qu’elle puisse imaginer, elle n’était
pas en sécurité auprès de lui.
Il
tergiversait encore quand ils débarquèrent du train à Londres. C’était l’ultime
chance de Jeremy de parler à Julian. Une fois qu’ils auraient quitté la gare,
il ne le reverrait peut-être jamais. Cette idée balaya ses derniers scrupules
et il se décida enfin à s’approcher du lord.
– Je
peux vous aider, annonça-t-il sans préambule en l’entraînant à l’écart de la
foule.
– J’en doute fort,
rétorqua Julian d’un ton las.
– Je
sais où se trouve Gabriel, déclara très vite Jeremy, honteux de revenir sur la
parole donnée.
– Etes-vous
sérieux ? souffla Julian en scrutant le journaliste avec intensité. Par
quel miracle…
– Il
vit dans le quartier de Whitechapel, à l’orphelinat de Hanbury Street, le coupa
Jeremy, pressé d’en finir. Et il travaille comme commis à la banque Russell
dans la Cité. Vous le trouverez dans l’un ou l’autre de ces deux endroits.
Pour
le coup, une authentique stupéfaction se peignit sur les traits du lord,
remplaçant le fol espoir que les propos de Jeremy avaient suscité en lui.
– Gabriel,
travailler ?
– Oh,
vous savez, la plupart des gens sont obligés d’occuper un emploi pour gagner
leur vie, répliqua Jeremy, acide. Ne prenez pas cet air choqué, je peux vous
assurer que cela n’a rien d’extraordinaire.
Plongé dans ses
réflexions, Julian ne releva pas l’impertinence.
– Et
dans la banque que dirigeait Charles Werner, murmura-t-il, soudain inquiet.
Comment est-ce possible ?
– Vous le demanderez à
Gabriel quand vous le verrez.
Il s’apprêtait à partir
lorsque Julian le retint par le bras.
– L’information
que vous venez de me fournir n’a pas de prix. Je suis votre obligé, Mr. Shaw.
– Ce
n’est pas un renseignement que vous me payez, je vous l’offre, repartit Jeremy
d’un air digne. Je vous prie seulement de ne pas révéler à Gabriel que c’est
moi qui vous ai indiqué où le rencontrer.
Julian
ne comprenait pas pourquoi Jeremy se montrait si désireux de le voir renouer
avec Gabriel alors qu’il n’avait jamais caché le dégoût que lui inspirait leur
relation. Il ne dit rien cependant, et se contenta d’acquiescer à la requête du
journaliste.
VII
Depuis leur retour des
Carpates, une semaine plus tôt, Megan demeurait enfermée dans sa chambre,
touchant à peine aux plateaux que lui apportait la bonne. Elle refusait
obstinément d’adresser la parole à Cassandra, malgré tous les efforts de celle-ci
pour rétablir le dialogue. Leurs relations n’avaient jamais été faciles, mais
c’était la première fois que Cassandra se heurtait à un tel mur d’hostilité.
Malgré tout, elle savait qu’elle avait eu raison d’agir ainsi ; se
débarrasser de Nicholas constituait l’unique moyen de préserver Megan de ses
manigances. Et même si sa mort
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