Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Cornelia, une voiture les attendait dans la cour, attelée
de quatre chevaux noirs qui piaffaient d’impatience. Ils n’étaient pas plus tôt
assis à l’intérieur que la mince silhouette de Vladislav s’encadra dans
l’embrasure de la portière. Il avait troqué son fastueux pourpoint Renaissance
pour une sobre redingote noire plus conforme aux exigences de la mode
victorienne.
– Faites-moi
une place, je viens avec vous ! annonça-t-il, image même de l’enthousiasme
exubérant.
Et
sans plus de façons il poussa Jeremy, qui se trouvait le plus près de la
portière, et s’installa sur la banquette. Il étendit ses longues jambes devant
lui, croisa ses mains sur son ventre et soupira d’aise. Il parut alors prendre
conscience des regards effarés qui pesaient sur lui.
– Je
ne suis plus obligé de rester ici maintenant que le Livre d’émeraude a été
récupéré, expliqua-t-il, je vais donc enfin pouvoir m’amuser un peu. Cela fait
très longtemps que j’ai envie de voyager. Et Cornelia va être folle de rage,
ajouta-t-il, l’air profondément réjoui par cette perspective.
– Vraiment ?
fit Jeremy en jetant des coups d’œil inquiets à droite et à gauche.
– Excusez-moi,
mais qui va conduire la voiture et nous ramener à bon port ? Il n’y a pas
de cocher, observa Julian, toujours pragmatique.
Vlad écarta l’objection
du revers de la main.
– Les chevaux connaissent
la route.
Comme
si elles n’avaient attendu que ce signal, les bêtes traversèrent la cour à fond
de train, et en quelques secondes à peine, la voiture franchit dans un grand
fracas de sabots la chaussée de bois qui enjambait la gorge. Déjà, la
forteresse disparaissait au détour de la route. À toute allure, le fiacre
dévala des côtes rocailleuses, au grand effroi de ses occupants que l’absence
de cocher alarmait quelque peu. Vlad baissa la vitre et se pencha à la fenêtre,
laissant le vent de la course lui fouetter le visage.
– Pour
l’amour du ciel, fermez cette fenêtre ! cria Jeremy. Il fait un froid
infernal !
Mais
Vlad ne lui prêtait pas attention. Les yeux plissés, il semblait écouter
quelque chose dans le lointain. Le véhicule atteignait une haute futaie quand
il hurla d’une voix vibrante d’excitation :
– Des dizaines de
cavaliers sont à nos trousses !
– Quoi ?
gronda Clayton en se penchant à son tour à la fenêtre.
– Mais
quel imbécile ! rugit Jeremy. Cela n’a rien de divertissant !
Vlad
se retourna vers lui, les yeux à demi cachés par les mèches blondes qui lui
balayaient le front.
– Je vous ai
entendu ! lança-t-il dans un grand éclat de rire.
Au même instant, un choc
sourd retentit au-dessus d’eux.
D’un même mouvement,
tous levèrent la tête.
– Il y a quelqu’un sur le
toit, souffla Cassandra.
À
peine avait-elle prononcé ces mots qu’une lame transperça le plafond du fiacre.
Vlad eut l’air enchanté de ce rebondissement, mais il était bien le seul dans
la voiture.
Monté
sur un cheval noir, un homme au visage recouvert d’un masque d’argent apparut
soudain près de la portière. Il leva son pistolet et le braqua vers eux.
– Couchez-vous !
hurla Cassandra.
La
balle fit exploser la vitre et des milliers d’éclats de verre volèrent dans
toute la voiture. Un deuxième coup de feu partit presque aussitôt, en direction
cette fois de l’avant de l’attelage, suivi de trois autres détonations qui se
répercutèrent entre les arbres avec un vacarme assourdissant. Touchés à mort,
les chevaux qui tiraient le véhicule s’abattirent l’un après l’autre sur le
sentier. La voiture vacilla dangereusement, manquant verser sur le bas-côté,
avant de se stabiliser. Secoués, Cassandra et ses compagnons se redressèrent
tant bien que mal à la lueur tremblotante de la veilleuse du fiacre.
– Personne
n’est blessé ? demanda Clayton en arrachant un morceau de verre fiché dans
sa main.
Quelques
grognements lui répondirent. Jeremy, qui se massait la nuque avec force
grimaces, regarda par la vitre et se rejeta aussitôt en arrière.
– Crénon, jura-t-il.
Les
autres se penchèrent à leur tour, pour découvrir qu’ils étaient encerclés par
des cavaliers. Au moins une trentaine, évalua Cassandra en un coup d’œil. Leurs
ombres menaçantes se découpaient sur le ciel obscur, tandis que le métal de
leurs masques lançait des éclairs furtifs.
– Les Chevaliers…
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