Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Quand tu te souviendras de lui, tu commenceras à
comprendre, comme je l’ai fait.
– Ne serait-il pas plus
simple que tu me le dises ?
Angelia se contenta de
sourire.
– Je
vais partir en voyage quelque temps sur le continent, annonça-t-elle. Je dois y
rencontrer quelqu’un.
« L’homme
qui est la clé de tout. C’est par lui que tout a commencé et par lui que tout
finira », ajouta-t-elle en son for intérieur.
– Tu
n’auras donc plus à t’inquiéter pour ton fils, conclut-elle à haute voix.
Cassandra se raidit.
– Si jamais tu lui fais du
mal…
Angelia prit la main de
sa sœur, qui ne la retira pas.
– Telle n’est pas mon
intention.
Elles restèrent
silencieuses, leurs doigts entrelacés.
*
Deux
jours plus tard, Cassandra se trouvait devant le British Museum, une boule
d’angoisse nichée au creux du ventre.
Un
soleil timide poudrait d’une lumière d’ambre les portiques à colonnes du musée,
tandis que des nuages arachnéens flottaient dans l’azur glacé du ciel. Devant
le bâtiment grouillait une foule élégante et bigarrée, au sein de laquelle les
jupons colorés des crinolines tranchaient sur l’étoffe sombre des manteaux et
des redingotes. Cassandra, qui dissimulait un pistolet dans les plis de sa houppelande,
parcourut les lieux du regard. Il ne lui fallut qu’une poignée de secondes pour
repérer aux quatre coins de la place, emmitouflés dans des ulsters, une dizaine
d’hommes qui faisaient semblant de lire le journal ou d’admirer la façade du
musée. L’escorte d’Aerith.
Elle-même
se promenait d’un pas léger le long de l’esplanade, faisant tournoyer
délicatement sur son épaule une ombrelle de velours noir à manche d’ivoire
ciselé. Elle s’immobilisa en apercevant Cassandra qui avançait dans sa
direction. Lorsqu’elle l’eut rejointe, Aerith ne s’embarrassa pas de préambules
mais déclara simplement :
– Il est à Londres.
Le monde disparut autour
de Cassandra.
– Vivant ?
balbutia-t-elle.
– Aussi vivant que vous et
moi, oui, je vous l’ai déjà dit.
– Alors où se
trouve-t-il ? Avec mon père ?
Aerith secoua la tête.
– Non,
pas avec lui, mais je ne peux vous en dire plus. Malgré le travail remarquable
que vous avez accompli, votre part du contrat n’a pas été intégralement
respectée puisque le Livre d’émeraude n’est pas en ma possession. Notre
entrevue s’arrête donc ici.
Aerith
fit mine de s’éloigner dans la foule ; Cassandra la retint sans ménagement
par le bras.
– Vous
ne pouvez partir ainsi, gronda-t-elle. Répondez-moi. Où puis-je le
trouver ?
D’une main gantée de
blanc, Aerith se dégagea avec douceur.
– Soyez
raisonnable, murmura-t-elle, ses yeux mordorés braqués dans ceux de Cassandra.
Mais
la jeune femme, partagée entre colère et frustration, n’était pas décidée à
lâcher prise.
– Dites-moi
ce que je veux savoir, insista-t-elle, et cette fois-ci sa demande résonna
comme une supplique.
– Je suis navrée, Mrs.
Ward. Je dois partir à présent.
Aerith
marcha vers la chaussée. Cassandra allait sortir son arme quand un phaéton qui
parut surgir de nulle part s’interposa entre les deux femmes. Le temps que
Cassandra contourne l’attelage, Aerith était montée à l’intérieur et les
chevaux reprenaient leur course. La voiture disparut au coin de Great Russell
Street.
Demeurée
seule, Cassandra étouffa un juron. Elle était si près du but… La déception lui
donnait envie de hurler.
L’esprit
en déroute, elle tourna lentement sur elle-même. Qu’allait-elle faire
maintenant ? D’une démarche hésitante, elle regagna son propre équipage,
stationné dans Montague Street. Le cocher s’empressa de descendre de son
perchoir pour lui ouvrir la portière. Cassandra se retourna, lança un dernier
regard au British Museum, et soudain la fureur l’envahit de nouveau. Non, elle
ne s’avouerait pas vaincue si facilement. Elle se battrait et le retrouverait,
quoi qu’il puisse lui en coûter.
Et même si elle devait
pour cela y consacrer le reste de sa vie.
Épilogue
Oscillant
au gré des courants, le steamer descendait lentement la Tamise en direction de
la mer du Nord. Accoudé au bastingage, William Rutherford regardait défiler le
panorama bruyant et coloré offert par le port de Londres au milieu de
l’après-midi. Les flots gris du fleuve étaient hérissés d’une forêt de vergues,
d’agrès et de mâts
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