Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
aux murs couverts de
miroirs piqués qui réfléchissaient les flammes des lampes en des centaines de
points lumineux.
– Le
miroir est l’attribut de la Vérité, de la Prudence et de la Science chez tous
les poètes et mythologues grecs, déclara subitement Gabriel.
Jeremy eut de nouveau
l’air de tomber des nues.
– Qu’avez-vous dit ?
– Le
miroir symbolise aussi le début du Grand Œuvre alchimique, c’est Julian qui me
l’a expliqué, ajouta Gabriel avec un peu de gêne.
– Julian
par-ci, Julian par-là, allez donc le retrouver s’il vous manque tant, persifla
Jeremy.
– Il ne me manque pas du
tout ! se cabra Gabriel.
– Cessez
donc de parler de lui dans ce cas. Et puis, nous ne sommes plus à la recherche
de la pierre philosophale, alors épargnez-moi vos discours pontifiants.
Ils
étaient arrivés tout au bout de la galerie quand Gabriel se figea soudain, la
tête levée vers le plafond. Surpris, Jeremy l’imita.
– Que…
– Taisez-vous,
l’enjoignit Gabriel d’une voix brusque. Écoutez.
Le
journaliste lui jeta un regard mauvais mais obtempéra. Il eut beau tendre
l’oreille cependant, aucun son ne lui parvint.
– Je n’entends rien,
finit-il par lâcher sur un ton de reproche.
– Écoutez mieux. Nous ne
sommes pas seuls.
– Comment ?
Ce
fut alors que Jeremy l’entendit. Un piétinement sourd, étouffé, dans une
galerie au-dessus de la leur.
– Des hommes. Au moins une
dizaine, chuchota Gabriel.
– Il faut partir d’ici
tout de suite, le pressa Jeremy.
La
main sur la crosse de son revolver, il lança des coups d’œil frénétiques autour
de lui, cherchant un moyen sûr de quitter les lieux. En vain. La galerie ne
comportait qu’une seule issue, celle par laquelle ils étaient arrivés, et elle
était désormais bloquée ; ils ne pouvaient sortir sans croiser les
nouveaux arrivants.
– Nous sommes pris au
piège, gémit le journaliste.
Gabriel
ne répondit pas. Les sourcils froncés, il regardait les miroirs suspendus le
long des murs. Puis il parut prendre une décision et dégaina à son tour un
revolver. Il s’approcha du miroir le plus proche et, à la grande horreur de
Jeremy, commença à le fracasser avec la crosse de son arme.
– Êtes-vous
devenu fou ? s’étrangla le journaliste. Ils vont nous entendre !
– Ils
savent déjà que nous sommes là. Aidez-moi à briser tous les miroirs avant
qu’ils n’arrivent.
– Mais enfin…
– Dépêchez-vous, ils
seront là d’une seconde à l’autre.
De
mauvaise grâce, Jeremy posa sa lanterne par terre et entreprit de l’imiter. Un
à un, les miroirs furent réduits en miettes dans un vacarme épouvantable.
Lorsqu’ils
eurent terminé et que le sol entier de la galerie fut couvert d’éclats, Gabriel
tendit la main vers le journaliste.
– Donnez-moi votre
revolver.
– Pas
question ! s’indigna Jeremy. Que me restera-t-il pour me défendre si je
m’en sépare ?
– J’en
ferai meilleur usage que vous, déclara froidement Gabriel. Vous le savez très
bien.
Ebranlé
par l’assurance nouvelle dont faisait preuve le jeune homme, Jeremy l’observa
plus attentivement. Ce qu’il vit le glaça jusqu’aux os. L’expression du visage
de Gabriel s’était profondément modifiée, et l’espace d’un éclair Jeremy se
retrouva propulsé quatre ans plus tôt, quand il l’avait surpris au domicile de
son père qu’il venait juste d’exécuter. Il l’avait alors jaugé d’un regard
indifférent, dépourvu du moindre sentiment, de la moindre émotion. De la
moindre humanité. Le même regard qu’il avait aujourd’hui. Subjugué, le
journaliste lui tendit lentement son arme.
Gabriel
recula vers le fond de la galerie, un revolver dans chaque main.
– Venez
ici, près de moi. Restez dos au mur et surtout ne bougez pas avant que je vous
le dise. Maintenant, éteignez votre lampe.
Jeremy
ne songeait plus à protester. Il obéit sans un mot, et une nuit abyssale fondit
sur eux. Leurs poursuivants, qui avaient interrompu un instant leur progression
en entendant les fracas de verre brisé, dévalaient l’escalier. Déconcertée par
l’obscurité qui régnait sur les lieux, la tête de la troupe s’immobilisa au bas
des marches et se concerta à voix basse. Un point lumineux, puis deux, puis
trois, apparurent au bout de la galerie.
Le
cœur de Jeremy manqua s’arrêter de battre lorsque la première détonation
explosa à ses oreilles,
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