Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
s’arrêta net et
lui jeta un regard perplexe.
– Eh bien… prendre le
train.
– Mais
quel idiot ! tempêta le journaliste de plus belle. Je n’ai même pas encore
acheté nos billets !
– Parlez
moins fort, chuchota Gabriel, mortifié. Tout le monde nous regarde.
Et
de fait, un attroupement de voyageurs les observait avec curiosité. Jeremy
s’empressa d’entraîner Gabriel vers le bureau des billets. Enfin, ils montèrent
dans un wagon de troisième classe du train.
– Je
suppose qu’Ashcroft vous payait la première classe, lança Jeremy à Gabriel d’un
ton dégoûté, mais je ne dispose pas des mêmes moyens que lui. Et à votre place,
j’aurais honte de vivre aux crochets d’un millionnaire.
– Mais
je ne me plains pas ! protesta Gabriel. Et puis, je vous ai déjà dit que
je ne vivais plus chez lui.
Jeremy
lui décocha un regard sceptique. Une fois assis dans le compartiment, il se
plongea ostensiblement dans la lecture du Punch de la semaine et ne
prononça plus un mot de tout le voyage.
Arrivés
à Cardiff en fin d’après-midi, ils prirent leurs quartiers dans un hôtel miteux
près de la gare.
– Nous
allons passer la nuit ici, annonça Jeremy, mais avant je dois rencontrer un
confrère qui a des renseignements à me fournir pour la suite de notre expédition.
Attendez-moi dans la chambre, je n’en ai pas pour longtemps.
– Où irons-nous
ensuite ?
– Nous
reprenons demain matin le train pour Cowbridge. Plus de questions maintenant,
contentez-vous de rester sagement ici.
À
son retour, deux heures plus tard, il retrouva Gabriel là où il l’avait laissé.
L’air désespéré, le jeune homme se débattait avec un plan gigantesque de la
région qu’il avait déniché Dieu seul savait où. « Je rêve ! »
songea Jeremy. « Non mais regardez-moi ce benêt ! »
– Mais que
faites-vous ? s’enquit-il à haute voix.
– Je
cherche Cowbridge sur la carte, expliqua Gabriel, la mine piteuse.
– C’est
ici, fit Jeremy en lui désignant un point situé sur la côte sud du Pays de
Galles, êtes-vous aveugle ?
Il commençait sérieusement
à regretter de l’avoir emmené avec lui et se demandait à quoi il allait bien
pouvoir lui être utile.
*
Le
lendemain, ils ne s’attardèrent pas à Cowbridge, élégante et prospère petite
ville aux rues médiévales étroites. Aussitôt descendus du train, ils louèrent
des chevaux et partirent à travers un paysage de collines verdoyantes et de
vallées boisées jonchées de paisibles villages.
– Nous
nous trouvons dans la vallée de Glamorgan, appelée Bro
Morgannwg en gallois, expliqua Jeremy. C’est une zone agricole
d’une richesse exceptionnelle.
– À
l’origine, enchaîna Gabriel, il n’y avait qu’un seul royaume de Glamorgan. Il
s’appelait alors Morgannwg, « Terre de Morgan », du nom du seigneur qui
l’avait fondé. Le royaume a disparu avec la conquête normande au XI e siècle. La vallée de Glamorgan en
constitue l’ancienne partie sud.
Jeremy
le regarda comme s’il lui avait annoncé son intention de partir pour la lune.
– Comment diable
savez-vous cela ?
– C’est
Julian qui m’en a parlé, répondit Gabriel en s’empourprant.
Le
journaliste émit un grognement désapprobateur et se concentra sur le papier
qu’il tenait à la main et qui indiquait l’itinéraire à suivre.
Ainsi
qu’il l’avait très vite compris, le Dragon Rouge, symbole de courage, de
résistance et de protection, renvoyait au Pays de Galles dont il était
l’emblème. Mais où chercher au Pays de Galles ? C’était grâce aux
Ellylldan, esprits élémentaires associés au feu, – « dan » signifiant
« feu » en gallois –, qu’il avait circonscrit ses recherches à la
vallée de Glamorgan. Il existait de nombreuses légendes galloises selon
lesquelles les génies du feu peuplaient cette région, et il n’était pas rare,
jadis, d’apercevoir leurs étranges lueurs rougeâtres folâtrer dans les contrées
marécageuses et les vallées profondes.
Jeremy
et Gabriel chevauchèrent plusieurs heures durant, croisant nombre de hameaux et
de fermes qui parsemaient la campagne vallonnée, et s’arrêtant de temps à autre
dans l’un d’entre eux pour vérifier l’itinéraire. Dans le ciel dégagé, des
milans royaux décrivaient de larges cercles. Enfin, Jeremy pointa du doigt une
bâtisse délabrée plantée au sommet d’une colline.
– Voici le but de
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