Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

suivie presque immédiatement par deux autres. Sans
crier gare, Gabriel avait tiré en direction des hommes. Les lanternes roulèrent
sur le sol avec un son métallique et s’éteignirent, plongeant de nouveau la
galerie dans le noir. Des jurons furieux éclatèrent, et un des poursuivants
cria :
    –  Rendez-vous, vous ne pouvez
vous échapper !
    Un
silence de mort tomba sur la galerie. Jeremy ne percevait plus que le battement
du sang à ses tempes et le bruit de son souffle précipité. À ses côtés, Gabriel
semblait avoir cessé de respirer.
    L’homme
réitéra sa sommation. N’obtenant pas de réponse, il tira à l’aveugle, davantage
dans l’espoir d’intimider ses proies que de toucher sa cible qu’il manqua du
reste assez largement. Gabriel plaqua Jeremy au sol sans ménagement avant de se
redresser.
    Les
assaillants commencèrent à progresser vers eux, avançant à pas furtifs dans la
galerie. Le temps parut alors s’accélérer, et tout se déroula très vite.
Déchirant le silence, le crissement d’un pas sur des morceaux de verre se fit
entendre, aussitôt suivi d’un coup de feu, d’un gémissement de douleur et d’un
choc sourd. Puis de nouveau un crissement, une détonation, un cri, un bruit de
chute, et Jeremy comprit enfin la stratégie de Gabriel. Celui-ci se guidait au
son des débris de verre pour localiser leurs ennemis dans l’obscurité et les
mettre hors d’état de nuire.
    Un
à un, leurs assaillants s’effondraient, trahis par les vestiges des miroirs qui
tapissaient le sol. Lorsque les derniers hommes encore debout se rendirent
compte du piège dans lequel ils étaient tombés, il était trop tard. Ils
s’étaient crus protégés par l’obscurité mais celle-ci s’était retournée contre
eux : ils ne pouvaient plus faire un pas sans signaler leur présence.
L’affolement les gagna alors, et ils tirèrent quelques coups de feu au hasard.
Une des balles s’écrasa sur le mur non loin de Jeremy qui frémit et dut
mobiliser toute sa volonté pour ne pas se lever et s’enfuir à toutes jambes.
Près de lui, Gabriel poursuivait son œuvre, calmement, méthodiquement, se fiant
à présent pour viser à la direction d’où provenaient les tirs ennemis.
    Puis,
enfin, ce fut à nouveau le silence. Un silence profond, sépulcral, entrecoupé
de plaintes et de geignements. Un peu tremblant, Jeremy se redressa sur un
coude et chuchota :
    –  On dirait que vous les avez
tous eus…
    –  Non, il en reste encore
un, murmura l’ancien assassin.
    Immobile,
Gabriel guettait. Quand il eut repéré la respiration rauque, haletante, du
rescapé, il visa et brûla son ultime cartouche.
    Jeremy
sentit qu’on lui agrippait le bras et ses cheveux se dressèrent sur sa nuque.
    –  Relevez-vous
et suivez-moi, ordonna Gabriel, la voie est libre. Mais dépêchez-vous, ils ne
sont pas morts.
    Les
deux hommes se mirent à courir vers l’escalier. Bien que l’obscurité fût
toujours aussi dense, Gabriel semblait connaître la position exacte de chaque
corps, car ils sortirent de la galerie et gravirent les escaliers sans heurter
aucun obstacle.
    Ils s’arrêtèrent en haut
des marches et, sur une injonction de Gabriel, Jeremy tâtonna dans la pénombre
pour rallumer sa lanterne. Comme ils se dirigeaient vers la trappe, le
journaliste percuta au détour d’un couloir un autre assaillant qui venait en
sens inverse. Jeremy le repoussa violemment et reprit sa course, talonné par
Gabriel. Moins d’une minute après, les deux hommes enfourchaient leurs chevaux
et partaient sans se retourner.
    *
    Dans
le train qui les ramenait à Cardiff, Jeremy passait en revue les événements
survenus à l’auberge quand il interpella soudain Gabriel. Préoccupé, celui-ci
n’avait pratiquement pas prononcé un mot depuis leur fuite.
    –  Avez-vous
remarqué les vêtements de l’homme que j’ai heurté près de la trappe ? Sur
son habit étaient brodés une couronne surmontant un heaume et un blason encadré
par deux lions.
    Gabriel
tressaillit, ce qui n’échappa pas à l’œil perçant du journaliste.
    –  Connaîtriez-vous ces
armoiries par hasard ?
    Le jeune homme fit un
geste de dénégation.
    –  Allons,
ne me prenez pas pour un imbécile, s’emporta Jeremy.
    Gabriel hésita, puis
lâcha avec hargne :
    –  Ce sont les armoiries de
lord Westbury.
    –  Lord
Westbury ? Ce nom ne m’est pas inconnu. N’a-t-il pas fait partie du
gouvernement ?
    –  Je crois que si,