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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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broche?
    Colum s'apprêtait à secouer la tête et à passer son chemin, mais Kathryn prit le ruban rose des mains de l'homme et lui remit une pièce d'argent. Un sourire éclaira le visage sale du camelot.
    — Revenez demain.
    Kathryn indiqua ses doigts crasseux pleins de plaies.
    — D'abord, dit-elle, achetez un mélange d'eau et de ficaire, et vos engelures disparaîtront.
    L'homme la dévisagea, ahuri.
    — Je ne peux pas, voyons.
    Kathryn lui tendit une autre pièce.
    — Dans ce cas, venez chez moi, à Ottemelle Lane, et demandez Thomasina. Elle vous en donnera gratuitement. Cette pièce, c'est pour votre estomac
    : achetez-lui du bouillon chaud.
    — Que voulez-vous de moi? demanda le marchand avec méfiance.
    — Parlez-nous de Maître Bogbean.
    Le camelot sourit de son sourire édenté et indiqua un petit estaminet douteux.
    — Vous le trouverez là, saoul comme une vache.
    Bogbean a deux maisons : ce cabaret où il lave les pots de bière, sans doute dans sa propre pisse, aussi n'y boirai-je jamais une goutte, et la ruelle derrière la maison du mage. Offrez-lui un verre, il vous racontera tout, offrez-lui-en deux, et il vous sera dévoué pour la vie.

    Kathryn le remercia, et avec Colum elle entra dans l'établissement malpropre, un simple petit abri bas avec une étroite fenêtre, quelques tables branlantes et des tonnelets en guise de tabourets.
    Les clients pauvrement vêtus les regardèrent.
    — Je souhaite offrir à boire à Bogbean ! cria Colum.
    Un homme corpulent aux vêtements élimés se dressa du siège où il était avachi, adossé au mur, et tituba d'une démarche d'ivrogne dans leur direction. Kathryn le fixa avec étonnement : il était courtaud avec un visage rond et rouge comme une baie, des joues veinées de bleu et un nez rubicond témoignant qu'il était un soiffard-né invétéré.
    Pourtant c'était ses cheveux qui surprenaient Kathryn : noirs et graisseux, ils tenaient droit sur sa tête comme un bouquet d'épis.
    —
    Bogbean, c'est mon nom, bredouilla-t-il, et qu'est-ce que je peux faire pour vous, m'sieur?
    Colum glissa une pièce de monnaie dans sa main calleuse et rêche.
    — Répondre à quelques questions.
    Bogbean soutint son regard avec un sourire de travers. Il oscillait dangereusement sur ses pieds, comme si le plancher du cabaret était un pont de bateau.
    —
    Posez vos questions, souffla-t-il avec un regard paillard à Kathryn, et je vous répondrai honnêtement. Mais pour l'amour du ciel, asseyez-vous.
    Il cligna péniblement des paupières pour ajouter :

    — Cette fichue taverne commence à tanguer.
    Riant sous cape, Kathryn prit place à la table malpropre. Elle ne se sentait pas très en équilibre sur le tonnelet. Bogbean cria à une souillon au visage maigre de leur servir à boire, et celle-ci apporta des chopes d'où la bière débordait.
    Pensant à ce qu'avait dit le camelot, Kathryn n'y trempa pas ses lèvres. Bogbean but la sienne et s'adressa à elle.
    —
    Eh bien, dit-il faisant claquer ses lèvres souillées de mousse, posez vos questions.
    — Vous avez travaillé pour Tenebrae ?
    —
    Oui, et ce satané salaud est mort. Le pire, c'est que Bogbean n'a plus d'emploi.
    — Quel était cet emploi? demanda Kathryn.
    —
    Portier de l'entrée du fond, déclara pompeusement Bogbean. Quand Maître Tenebrae avait des clients.
    Il se pencha pour ajouter :
    —
    Et croyez-moi, Maîtresse, il n'en manquait pas. Les grands et les puissants princes de l'Église.

Il cligna lentement des yeux et tapota les ailes de son gros nez.
    — Ce que voit Bogbean, il ne l'oublie jamais.
    — Qu'aviez-vous à faire ? interrogea Kathryn.
    — Je gardais la porte. Personne n'entrait par là.
    Il engloutit une nouvelle gorgée de bière.
    —
    Personne ne pouvait entrer, mais personne ne sortait sans que Bogbean le sache.
    — Et ce matin ?

    —
    Il pleuvait dru. Les amis de Sir Raymond Hetherington sont arrivés. Morel m'a parlé d'eux.
    L'ivrogne se cala sur son siège, les yeux mi-clos.
    — Vous avez rencontré Morel?
    Il secoua la tête.
    —
    Il est aussi bizarre que son maître : il a un grain, ce pauvre gars.
    — Sir Raymond Hetherington? le pressa Colum.
    —
    Oui, l'orfèvre. Ils sont tous descendus : d'abord Hetherington, puis Neverett, Condosti, Brissot, Fronzac et Greene. Et enfin cette vieille veuve dont j'oublie le nom.
    L'homme tapota son front :
    —
    Ma cervelle se ramollit. Ah oui, c'est Dauncey qu'elle s'appelle.
    —
    Comment connaissez-vous les noms

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