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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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pèlerins tentaient de demander leur chemin à une putain lasse au visage blafard, qui se hâtait de regagner son bordel dans Westgate. De part et d'autre de la chaussée, marchands et boutiquiers installaient leurs éventaires, tandis qu'on vidait dans les rues des vases de nuit nauséabonds. A droite, à gauche, des enfants hurlèrent de joie lorsque le contenu d'un pot éclaboussa un marchand à l'air solennel. Kathryn observa à la dérobée le clerc Goldere, la main agrippée sur sa braguette protubérante, qui promenait un regard misérable autour de lui. Elle coupa par une ruelle; Goldere et sa litanie de maux intermittents qu'il était toujours disposé à lui décrire en détail était plus qu'elle ne pouvait en supporter.
    Lorsqu'elle
    déboucha
    dans
    la
    Grand-Rue, les marchands ne faisaient aucun bruit et elle était vide de pèlerins. Même les chiens errants et les cochons avaient été chassés.

    — Les magistrats du roi, lui murmura une femme.
    Ils sont arrivés à Cantorbéry.
    Cette dernière patienta le temps que cette imposante procession judiciaire parcoure le chemin du Guildhall au château. Deux hérauts ouvraient la marche, portant de grandes bannières aux armes du roi d'Angleterre. Ils chevauchaient des palefrois bais et arboraient de magnifiques tabards bleu, rouge et or. Derrière eux marchaient deux huissiers munis de bâtons blancs, et ils étaient suivis par un sonneur de trompette et quatre pages qui battaient solennellement sur des tambours presque aussi gros qu'eux. Venaient ensuite les magistrats avec leurs capes rouge écarlate bordées d'hermine et leurs calottes noires, entourés de leurs clercs et de leurs scribes. Et enfin suivait le tombereau qui jetait l'épouvante dans les yeux de tous ceux qui le voyaient. C'était un charreton pourvu de hautes ridelles que tiraient deux énormes chevaux de trait à la crinière coupée en brosse et tout harnachés de noir. Le bourreau se tenait debout sur la charrette, vêtu de noir et rouge de la tête aux pieds, le visage dissimulé derrière un masque. A côté de lui, en tas, ses instruments de torture et de mort : un gibet de fortune, le billot, la hache et une épée, des tenailles, des fers et des menottes. Les magistrats passeraient au moins quinze jours à Cantorbéry où ils étudieraient dans le détail tous les cas qui leur seraient soumis. Des hommes et des femmes seraient pendus, flagellés, marqués au fer, mutilés ou mis à l'amende, selon la fantaisie de ces vieillards à l'air doux, drapés dans leurs robes pourpres. Kathryn se rappela soudain la sorcière Mathilda Sempler qui faisait l'objet d'une accusation, et se promit d'en parler à Luberon. Quand les juges furent passés et que la Grand- Rue fut de nouveau ouverte, elle se hâta vers le Guildhall, et découvrit avec surprise Luberon qui l'attendait sur les marches de l'entrée.
    Elle repoussa les cheveux de son visage.
    — Désolée, haleta-t-elle, mais...
    Les yeux du petit clerc rayonnaient de plaisir, et il saisit les deux mains de Kathryn en même temps qu'il rougissait parce qu'elle l'embrassait sur la joue. Il gambadait presque en la conduisant le long du couloir malodorant du Guildhall, jusqu'à son bureau. Dans celui-ci, qui était blanchi à la chaux, le moindre espace disponible et toutes les étagères étaient occupés par des monceaux de manuscrits.
    Avec un geste plein de panache, Luberon invita Kathryn à prendre la seule et unique chaise qui s'y trouvait, et lui se percha sur un haut tabouret.
    Aussitôt qu'il lui sourit, ses joues brillant d'excitation, Kathryn lui trouva l'air d'un gentil gobe- lin.
    Il lui tendit un petit rouleau de couleur beige lié par un morceau de fine corde rouge.
    — Pour commencer, dit-il, voici votre licence pour vendre des médicaments, des simples et des épices.
    Kathryn prit le parchemin et, fermant les yeux, poussa un profond soupir de soulagement.
    — Simon, pour un peu, je vous embrasserais !

    Le petit clerc fut si troublé qu'il en devint cramoisi.
    Il cligna des paupières.
    — Non, non, pas ici !
    Son visage se fit grave tandis qu'il se penchait pour fouiller dans les manuscrits sur son bureau. Il en sortit une petite figurine en cire.
    — Ne la touchez pas ! prévint-il.
    Kathryn détailla la cire noire, la tête ronde, le clou qui la traversait de part en part, et le T
    maladroitement tracé en travers du corps.
    — Tenebrae! s'exclama-t-elle. C'est son effigie en cire, percée avec un

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